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Glenn Cohen

Intelligence artificielle, médecine, biais et éthique

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Nathalie Desrosiers

La vitesse qui tue – les plateformes, l’expression démocratique et le rôle des universités

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Tech & Ethics

Nourrir notre réflexion sur la technologie et l’éthique

Au 21e siècle, époque où les percées technologiques repoussent de plus en plus les limites du possible, les boursier.e.s, fellows et mentor.e.s 2020 de la Fondation Pierre Elliott Trudeau se penchent sur les défis et les enjeux éthiques liés aux possibilités d’utiliser la technologie tout en atténuant ses risques éthiques dans nos vies individuelles et collectives.
Beverly McLachlin

L'Internet et les considérations éthiques

L'Internet et les considérations éthiques

Épisode #1 - Favoriser une pluralité significative de perspectives par la communication

Sections

 

Animatrice : Valerie Pringle 

Invité : Robert Leckey

 

Résumé

Valerie Pringle s’entretient avec l'animateur de la série de balados sur la Communication et le partage des connaissances - un des concepts clés du programme de leadership -  le professeur Robert Leckey, doyen de la faculté de droit de l'Université McGill. Robert Leckey, boursier 2003, a été coprésident du comité exécutif des anciens de la Fondation Pierre Elliott Trudeau d'août 2019 à avril 2022.

Valerie et Robert discutent du devoir et de la nécessité de partager l'information, et de la façon dont les médias peuvent contraindre la communication, mais aussi nous apprendre à communiquer plus clairement. Ils abordent l'évolution des réactions, les lacunes en matière de communication et la notion d'espaces de courage.

 

Date

Épisode #2 - Collaboration et communication, partage et démocratisation des savoirs

Sections

 

Animatrice : Pascale Fournier 

Invitée : Sophie Thériault

 

Résumé

La présidente et cheffe de la direction de la Fondation Pierre Elliott Trudeau, Pascale Fournier, s’entretient avec Sophie Thériault, coprésidente du Comité du réseau des ancien.nes de la Fondation, pour présenter la série de balados Espaces de courage et le deuxième épisode, intitulé « Collaboration et communication, partage et démocratisation des savoirs ». Elles orientent les échanges de la série de balados à venir en décrétant que les milieux de la recherche et du savoir doivent évoluer vers une plus grande ouverture afin de favoriser la démocratisation des savoirs et une mise en commun de leurs retombées.
 

Transcription

Introduction :

Sophie Thériault
Je vous souhaite à toutes et à tous la bienvenue à cette série de balados de la Fondation Pierre Elliott Trudeau portant sur la communication et le partage du savoir, un des concepts clés du programme de leadership de la Fondation.


Pascale Fournier
Alors Bonjour Sophie, je suis très heureuse qu'on puisse avoir cette conversation aujourd'hui sur notre tout nouveau balado qui portera sur la communication et le partage des connaissances. Notre objectif aujourd'hui sera de discuter de trois sujets. Tout d'abord, notre programme de leadership à la Fondation : un programme qui se distingue par son innovation, mais aussi par l'importance qu'on accorde à la démocratisation du savoir. Deuxièmement, sa pertinence dans le milieu universitaire où de plus en plus, on se pose de grandes questions sur la liberté académique. Et troisièmement, son urgence dans le contexte actuel de la société, où on vit une très grande polarisation au sujet de grands débats intellectuels qui touchent notre vivre ensemble.

Alors Sophie Thériault, tu es coprésidente du Comité exécutif du Réseau des anciens et anciennes de la Fondation Pierre-Elliott Trudeau. J'aimerais d'abord te remercier pour ton engagement et ton dynamisme dans ce rôle. Et cette série de balados réunit plusieurs de nos anciens, de nos anciennes, à qui on pose des questions sur l'importance de la démocratisation des savoirs. Permets-moi tout d'abord de parler un peu de notre curriculum sur le leadership. En 2018-2019, la Fondation est allée à la rencontre des Canadiens et des Canadiennes de par les forums du futur. On a visité toutes les provinces, tous les territoires et on demandait aux gens qu'on invitait – autant nos anciens, nos anciennes qui sont venus, qui ont participé, mais aussi des représentants du secteur privé, du secteur gouvernemental, du secteur communautaire, du secteur universitaire –, on leur demandait qu'est-ce qu'un leader engagé et quelles sont les qualités essentielles à un leader, un intellectuel ou une intellectuelle publics, qui cherchent à avoir une influence véritable dans le monde.

Cette tournée pancanadienne, d'écoute, d'humilité aussi, nous a permis d'identifier six valeurs de leadership qui sont clés pour nous à La Fondation. Vraiment notre programme de leadership s'inscrit et reproduit, si on veut, ces six valeurs. Il s’agit de l'audace et la ténacité, de la communication et du partage des connaissances, de la créativité et l'innovation, de la diversité, de la collaboration et du sens du service. Alors pour nous, une ancienne comme toi, qui as ce rôle de coprésidente de notre Comité exécutif des anciens des anciennes, qui est présentement vice-doyenne à la Faculté de la section de droit civil de l'université d'Ottawa et qui a toute une grande carrière, également comme chercheure, tu es très bien placée pour pouvoir peser le pouls en fait, de ce milieu universitaire; où en sommes-nous, où se dirige-t-on aussi dans l’avenir, alors je commencerais par cette question importante : « Pourquoi la communication, le partage des connaissances ? Pourquoi la démocratisation des savoirs est-elle importante sur la base de ce que tu constates, de ce que tu vois dans ce milieu qui est très en mouvance en ce moment ? »

Sophie Thériault
Merci beaucoup, Pascale. C'est un grand plaisir d'animer cette série de balados qui me semble tout à fait essentielle pour réfléchir à l'importance de la communication, mais aussi à la manière de communiquer de manière claire, de manière efficace pour maximiser les retombées de la recherche. Et ce, avec des anciens et anciennes de la Fondation, qui sont des communicateurs absolument hors pair et qui vont discuter avec nous de l'importance de la bonne communication, de ses fondements, de ses conditions. Donc, je me réjouis à l'avance de pouvoir entretenir ce dialogue avec d'autres anciens-anciennes de la Fondation.

Pascale
Merci, Sophie. Je me pose la question suivante. Pendant un certain nombre d'années, on se disait : « On produit de la recherche de haut niveau sur le plan scientifique, dans les milieux universitaires. L'important, c'est de savoir la diffuser ou la vulgariser de manière accessible pour le grand public. Est-ce qu'il n'est pas plutôt temps d'être à l'écoute dès le moment où on pose les questions scientifiques, c'est-à-dire pas en fin de parcours lorsque la recherche a été produite. Et là, il ne s'en tient qu'à la vulgariser ou à la diffuser. Mais est-ce qu'il n'est pas important de créer des ponts, d'ouvrir un dialogue avec des publics cibles divers comme le milieu communautaire, le milieu corporatif, le milieu gouvernemental, les milieux à l'extérieur du milieu universitaire ? Est-ce qu’il n'est pas important de tisser ces liens-là dès le début, par exemple d'un doctorat ou d'un diplôme quelconque, pour mieux comprendre et peut-être cibler nos questions universitaires ? Est-ce qu'on en est là dans notre réflexion, selon toi ?

Sophie
Il est important que la recherche demeure rigoureuse, demeure excellente. Mais pour être excellente, la recherche doit également être pertinente. Donc, pour assurer la pertinence de la recherche, il est important d'aller au-devant de divers publics susceptibles d'être affectés par la recherche en amont plutôt qu'en aval du processus de recherche. Donc les membres de la communauté, les acteurs, qu'il s'agisse de gouvernement, d'entreprise, d’ONG, de citoyens, peu importe, selon le sujet, la thématique de la recherche, sont également porteurs de savoir. Ils sont porteurs de savoir par l'observation qu'ils font au quotidien. Et ses connaissances sont essentielles et complètent celles du chercheur qui va pouvoir observer ensuite, à travers ces outils théoriques, ces outils méthodologiques des phénomènes qui auront été informés par d'autres porteurs de savoir. Donc, les savoirs construits de cette manière-là en dialogue avec l'autre vont être davantage pertinents, vont permettre de cibler les problèmes réels comme ils sont perçus sur le terrain. Mais également, les résultats de la recherche, parce qu'ils sont plus pertinents, vont certainement avoir de plus grandes répercussions.

Pascale
Donc, Sophie, cette démocratisation des savoirs permet de produire une meilleure recherche parce que lorsqu'on est accessible, lorsqu'on est à même de bien communiquer et de partager les connaissances, ces dernières seront réappropriées par des acteurs, des leaders sur le plan local, le plan national, et on va pouvoir le constater à quel point cette recherche va pénétrer les systèmes. C'est également ce qu'on veut.

J'aurais une question par rapport au choc des idées. Lorsqu'on parle de communication, de partage des connaissances, on vit en ce moment dans le milieu universitaire une période quand même trouble, qui rejette d'une certaine façon le choc des idées. La Fondation Pierre Elliott Trudeau, lorsqu'elle a été créée il y a vingt ans, c'était l'intention de départ. Notre propre Constitution interne, c'était le choc des idées. Pierre Elliott-Trudeau qui était un homme d'idées et un homme d'action, dans cette mouvance actuelle d'une grande polarisation dans le milieu intellectuel, la Fondation s'est définie par de ce qu'on appelle les Espaces de courage.

Donc nous sommes très transparents sur le fait que lorsqu'on fait partie de la Fondation, on doit s'attendre à ce choc des idées par intention. Nous invitons ce choc des idées et on demande à nos boursiers et boursières, dans le cadre de ce curriculum de leadership, d'apprendre de façon respectueuse à accueillir des idées qui sont des idées avec lesquelles ils ne sont pas nécessairement ou elles ne sont pas d'accord et à prendre cela comme un défi.

Alors, ma question pour toi, comment, dans ce milieu universitaire que tu connais bien (qui est, bien sûr, en lien avec la société au sens plus large) comment trouver des solutions pour accueillir ce choc des idées, pour créer des espaces de courage, si tu peux commenter ce moment historique ?

Sophie
Le choc des idées est un passage absolument essentiel pour devenir un chercheur, un leader engagé et pour que la recherche puisse avoir réalisé le potentiel transformateur qu'elle recèle. En fait, le programme de leadership de la Fondation qui a évolué depuis que je l'ai fréquenté, comme doctorante… Ce qu'il m'a apporté a été une expérience transformatrice parce qu'on m'a obligée bien souvent au travers des activités de la Fondation, à pénétrer une zone d'inconfort. Une zone d'inconfort qui a pu être déstabilisante mais qui m'a aidée à pouvoir mettre mes idées en perspective, à pouvoir me remettre en question, à pouvoir mieux définir, mieux préciser mes idées, à apprendre à communiquer clairement, à apprendre par ailleurs à écouter, à faire preuve d'ouverture et grandir en fait avec les autres et à apprendre à gérer la critique.
Dans le monde dans lequel on vit, où les communications ont considérablement changé, se trouvent dans l'espace public, où l'intellectuelle, la chercheuse est de plus en plus impliquée dans le débat public, il devient essentiel d'être en mesure de participer à des conversations difficiles dans l'espace public, à faire face à la critique, être capable de répondre de manière de manière nuancée pour faire valoir nos position de manière plus claire, de manière mieux justifiée et de ne pas personnaliser l'ensemble des débats. Donc, je pense que cette expérience de passage, au travers de zones d'inconfort, de choc des idées, a fait de moi une chercheuse beaucoup plus réflexive et m’a peut-être également amenée à faire preuve d'humilité. On comprend que nos savoirs sont limités quand on est confronté avec d'autres porteurs de savoir qui ont leur propre perspective, et vont parfois éclairer nos angles morts.

Pascale
Merci, Sophie. Il me semble y avoir un certain paradoxe que nous vivons ici à la Fondation. Le fait que les chercheurs, surtout sur le plan doctoral, qui s'inscrivent au cœur de recherches très pointues, très ciblées. Donc déjà, ils et elles sont dans une faculté donnée, ensuite dans une discipline, une sous-discipline, une thèse de doctorat où il faut identifier une problématique précise, presque sur un plan micro.
Une fois que cette recherche est produite, elle est terminée... On a terminé la thèse, on demande aux chercheurs de rendre cette recherche accessible et de naviguer au cœur
du macro. De pouvoir discuter avec autant le secteur gouvernemental, communautaire, etc. Est-ce que le milieu universitaire devrait être appelé à changer ?

C'est-à-dire que nous, à la Fondation, on le fait dès le début de leur recherche doctorale, on tente d'amener une boîte à outils qui ne semble pas être présente au cœur du milieu universitaire pour toutes sortes de raisons. Et on veut pallier ça en les accompagnant de façon très proactive pendant les trois années qu'ils sont avec nous à la Fondation.

Est-ce que selon toi, le milieu Universitaire devrait changer pour être peut-être plus à l'avant-garde pour permettre ces espaces de courage, pour permettre cette démocratisation du savoir ? Et on le sait, la recherche scientifique pure est très valorisée et c'est beaucoup moins valorisé au sein des universités pour obtenir la permanence, pour obtenir le statut de professeur titulaire, beaucoup moins valorisé, de publier des articles d'opinion, de donner des entrevues dans les médias. On semble croire encore de façon très traditionnelle que ce n'est pas équivalent d'une certaine manière à produire des articles scientifiques dans des revues avec comité de lecture.
Le milieu universitaire devrait-il changer ?

Sophie
Tout à fait. Le milieu universitaire est encore très traditionnel. En fait, les programmes doctoraux ont très peu changé dans les universités que je connais par rapport au programme doctoral que j'ai moi-même suivi. Ce sont des programmes qui s'attachent principalement à développer des habiletés en recherche, des compétences en recherche qui sont essentiels, mais qui ne sont pas suffisantes compte tenu des attentes de la société, des institutions aujourd'hui à l'égard des chercheurs. Les chercheurs sont encore évalués, même après la thèse, à l'aune des critères toujours très traditionnels de la recherche. Donc, c'est des critères de quantité : combien publie-t-on ou ne comptent que les publications qui sont reconnues ou les plus reconnues par les pairs.

L'excellence se mesure généralement de manière très quantitative à travers différents facteurs d'impact. Et ce n'est pas anodin parce qu'il y a un effet pervers à ce modèle d'évaluation de l'excellence et qui est celui de confiner des chercheurs. Et je pense surtout à des jeunes, à de jeunes chercheurs qui ont pu diffuser leur savoir largement par différents modes avant d'entrer à l'université, mais qui, de crainte de ne pas gravir les échelons universitaires,  de crainte de ne pas obtenir la permanence et ensuite, la titularisation, vont entrer dans ce modèle plus traditionnel de production de la recherche, qui confine le chercheur à l'intérieur des murs de l'université – et sa recherche également – dans des réseaux universitaires. Donc, c'est un modèle qui tend à produire du savoir pour les universités à l'intérieur des universités. C'est un modèle qui est de plus en plus remis en question. D'abord, parce que les attentes du monde extérieur à l'égard des chercheurs y sont. On pense aux grands organismes subventionnaires qui ont pris les devants. Le CNRC préconise des modes de diffusion du savoir qui ne sont pas traditionnels, cherche à extraire le chercheur de l'université pour l’amener à être davantage en dialogue avec la société. Les attentes du public également, de la société, des acteurs, qui veulent de plus en plus participer à la recherche et pouvoir s'approprier les résultats de recherche, imposent une pression toujours accrue à changer ces modèles traditionnels. Et on peut également penser à une pression de plus en plus grande des chercheurs et des chercheuses eux-mêmes, qui ont davantage de satisfaction à exercer une recherche plus engagée, à produire des résultats de recherche qui ont des retombées beaucoup plus grandes, qui seront mesurables de manière très tangible auprès des acteurs qui ont bénéficié de la recherche.

Donc, pour que l'université conserve sa pertinence dans un contexte où il y a de plus en plus de méfiance à l'égard des élites, y compris des élites universitaires, je pense qu'il est essentiel que l'université s'ouvre à la recherche collaborative avec les autres acteurs sociaux.

Pascale
Merci, Sophie. On constate également que pour traverser une période aussi difficile que la pandémie, qui a touché bien sûr le Canada, mais le monde entier… Là, on parle de tout le monde. Il fallait mobiliser la population, pouvoir au quotidien, expliquer ce qui se passe, la nécessité que tous les êtres humains participent d'une certaine façon à combattre cette pandémie par nos gestes, par notre compréhension. C'est une grande leçon d'humilité. La science était au cœur de cette pandémie, mais pas seulement de la comprendre mais de pouvoir agir. Alors le monde des idées n’est pas très loin du monde de l'action aussi, mais encore faut-il avoir ce climat de respect et ce climat de confiance à l'endroit des chercheurs, à l'endroit des intellectuels. Et on a pu le constater, ce n'est pas gagné d'avance. Au contraire, cette polarisation qui semble permanente… et de voir le silence qui s'installe entre des groupes. Certains accuseraient le milieu universitaire ou le milieu scientifique d'être un milieu d'élite, un milieu qui n'est pas accessible, un milieu où on dit aux autres quoi faire, comment faire.
Alors vraiment, il y a beaucoup d'efforts, je crois... 

On devrait avoir un dialogue qui est ouvert à toute la population, et on semble encore loin de cet objectif. Donc, on va avoir besoin de leadership (rire) au sein des institutions au sein du milieu universitaire pour redéfinir autrement la recherche, pour redéfinir cette importance, de démocratiser les savoirs et de créer des liens, un dialogue, un climat de confiance. Et être proactif dès le départ et vraiment rendre ce milieu des savoirs accessibles par les articles d'opinion, par les entrevues, par les tables rondes, où on invite le public.

Nous, à la Fondation, on demande à nos boursiers-boursières chaque année, non seulement de participer à notre programme de leadership où les acteurs, les leaders locaux nationaux sont présents, alimentent les discussions, mais également de diffuser leurs recherches ou même leurs questions de recherche, parce qu'ils n'ont pas encore rédigé leur thèse, mais de créer des occasions de dialogue avec le secteur communautaire, gouvernemental, grand public ou secteur privé, dès le départ.

Alors pendant trois ans, ça peut te permettre de mesurer la pertinence de ta recherche. Est-ce ce qu'on comprend quand tu parles ? Est-ce que c'est clair? Il n'y a pas d'autres questions que tu peux te poser ? Donc c'est tout une aventure pour la Fondation. Mais je suis très heureuse de voir qu'on aura une série de balados.

Tu es la meilleure personne pour alimenter ces discussions en raison de ton rôle, comme ancienne boursière, comme coprésidente de notre Comité exécutif des anciens, des anciennes, mais aussi le rôle où les rôles de leadership que tu as exercés tout au long de ta carrière universitaire, comme vice-doyenne, mais aussi comme chercheure, qui est vraiment un modèle de démocratisation des savoirs.

Alors merci beaucoup, Sophie. Dernière question, Sophie. Pourquoi il est important de réaliser ce balado qui porte sur la communication et le partage de savoir ?

Sophie
Un balado sur la communication et le partage du savoir est également important puisque c'est encore aujourd'hui dans le monde de la recherche… Les chercheurs sont appelés à diffuser le savoir, principalement au travers des modes plus traditionnels, par la publication de livres, de revues scientifiques, et donc, de réfléchir ensemble, d'entendre différents spécialistes, différentes personnes, qui se démarquent particulièrement dans le milieu du savoir pour leur capacité à communiquer leur savoir, à partager leurs recherches au-delà des murs de l'université, auprès de publics plus larges, permettra d'amener l'ensemble des chercheurs à réfléchir quant à la manière d'accroître l'incidence de leurs recherches et de diffuser leur savoir de manière à permettre une plus grande appropriation de celles-ci par le public, en général.

Pascale
Merci beaucoup.
 

Date

Épisode #3 - Influence des autres : persuasion, négociation et diplomatie au service de la résolution de conflits

Sections

 

Animaeur : Robert Leckey 

Invitée : Très hon. Beverley McLachlin

 

Résumé

Robert Leckey rencontre la très honorable Beverley McLachlin, ancienne juge de la Cour suprême du Canada et première femme à occuper le poste de juge en chef du Canada, arbitre, auteure et mentore pour la Fondation Pierre Elliott Trudeau. Elle nous explique comment elle a appris à devenir une meilleure oratrice, nous fait part de ses réflexions sur la révolution de la communication, sur les dangers du travail en vase clos et sur la façon dont nous pouvons exprimer nos valeurs et nos principes.

 

Date

Épisode #4 - Influence des autres : persuasion, négociation et diplomatie au service de la résolution de conflits

Sections

 

Animatrice : Sophie Thériault

Invités : Françoise Bertrand et Antoine Pellerin

 

Résumé

Françoise Bertrand, administratrice de sociétés à la carrière prestigieuse, et Antoine Pellerin, juriste en droit administratif et homme de théâtre, échangent sur le thème « Influence des autres : persuasion, négociation et diplomatie au service de la résolution de conflits ». Mme Bertrand puise dans sa longue feuille de route pour rappeler comment la communication permet d’influencer sa société. M. Pellerin avance que le rôle de l’État n’est plus simplement de prendre de bonnes décisions, mais de les expliquer également. Et ils insistent tous deux sur l’aspect fondamental de l’écoute et façonnent le portrait d’espaces de courage permettant de faire progresser des dossiers et des relations et de faire entendre la dissidence.

 

 

Transcription

Sophie Thériault
Je vous souhaite à toutes et tous la bienvenue à cette série de balados de la Fondation Pierre Eliott Trudeau portant sur la communication et le partage du savoir, un des concepts clés du programme de leadership de la Fondation. Il me fait plaisir, aux fins de cet épisode sur la thématique Influencer les autres, communiquer efficacement avec autrui en développant ses capacités de persuasion, de négociation, de résolution de conflits et de diplomatie, de m'entretenir avec deux membres de la communauté qui, au travers des parcours bien différents, attestent d'une capacité exceptionnelle de communiquer efficacement avec les autres.

Notre première invitée, Françoise Bertrand, mentore 2013 de la Fondation et administratrice de sociétés, compte plus de trente années d'expérience à la tête d'organisations importantes. Elle est notamment présidente du conseil d'administration de Via Rail Canada et du conseil d'administration de Proaction International, en plus d'être membre du conseil d'administration de Redevances Aurifères Osisko et du conseil d'administration de la Fondation Pierre Elliott Trudeau.

Elle est aussi vice-présidente du Conseil des gouverneurs de l'Université Concordia. Elle a occupé plusieurs postes de présidente et chef de direction, notamment à la Fédération des chambres de commerce du Québec, au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes et à la Société de radiodiffusion Télé-Québec.

Auparavant, elle a agi à titre de doyenne à l'Université du Québec à Montréal. La carrière de Madame Bertrand a été ponctuée d'un nombre impressionnant de prix et de distinctions.

Antoine Pellerin, boursier 2016 de la Fondation, est aujourd'hui professeur adjoint à la Faculté de droit de l'Université Laval, où il enseigne le droit administratif. Titulaire d'un doctorat en droit de l'Université Laval et d'une maîtrise en administration des affaires de l'université de Sherbrooke, ses recherches portent principalement sur le pouvoir contractuels de l'État et le contrôle judiciaire de l'administration publique. Il s'intéresse également aux questions d'égalité, de diversité et d'équité, notamment en interrogeant le rôle de l'État à l'égard de ces enjeux.

Membre du barreau du Québec depuis 2010, il a pratiqué en litige au sein d'un cabinet d'avocats d'envergure internationale. Avant d'entreprendre sa carrière universitaire, Antoine a cofondé la compagnie de théâtre montréalaise Ex Libris et en assure la direction générale depuis 2013.

Alors Antoine Pellerin, Madame Françoise Bertrand, merci à vous de participer à cet épisode de balados. Pour commencer, afin que vous puissiez vous présenter plus longuement en lien avec cette série de balados, pouvez-vous nous parler un peu de vous et de la façon dont la communication et le partage du savoir figurent au cœur de votre travail ?

Françoise Bertrand
Merci. La communication, pour moi, ça a toujours été dans ma nature. J’aime communiquer parce que j'aime la vie et j'aime les gens. Alors on ne peut pas aimer les gens sans vouloir leur parler, les écouter et réfléchir ensemble et agir ensemble. Mon parcours est assez particulier parce que, au fond, j'ai toujours voulu étudier en communication. Mais comme je n'ai pas trente ans d'expérience mais bien plus de quarante ans, à l'époque, les maîtrises en communication, ça n'existait pas. J'ai fait une maîtrise en sociologie, une maîtrise en études de l'environnement pour pouvoir étudier avec Marshall McLeod. Et c'est ainsi que par la suite, dans ma carrière, soit de consultante, de gestionnaire – tant dans le milieu universitaire que réglementaire, au CRTC, ou à la tête d'entreprises associatives ou d'entreprises publiques ou privées – pour moi, ce qui a été crucial dans ma capacité d'agir, ce fut toujours la communication. Ce n’est pas la communication pour dire mon message au sens de Boileau. Je conçois clairement et je suis capable de m'exprimer correctement, mieux en français qu'en anglais. Mais même en anglais, je le peux aussi. C’est plutôt le pouvoir d'influencer.
Et en effet, pour influencer, il faut vraiment s'arrêter à : Qu'est-ce qu'on veut dire au juste ? Avec quels effets ? Et quels chemins vais-je prendre pour pouvoir amener un dialogue qui, parfois, va m’amener moi-même à modifier ou nuancer ma propre pensée pour qu'on arrive à la meilleure décision possible ?

Et d'autres fois oui, en effet, une influence pour amener le changement chez autrui. Pour moi, que ce soit de travailler auprès d'un client qui va me payer très bien pour pouvoir arriver à des réponses sur les questions, il ne s'agissait pas d'arriver simplement avec des faits. Il fallait arriver avec le bon angle d'approche pour qu'il voie comment il pouvait penser sa réalité autrement pour, lui-même, être en mesure de trouver les meilleures solutions.

Et lorsqu'on est dans une équipe de gestion, c'est la même chose. Quand je fus en réglementation, influencer des gens qui sont à la tête des entreprises de radiodiffusion, de télécommunication, il n’est pas question de dire : « Voici la règle ». Mais « Voici pourquoi cette règle est porteuse. Pourquoi nous pouvons mieux avancer si, ensemble comme société, on adopte de nouvelles approches. » Alors pour moi, sans communication, je n'aurais pas eu de plaisir. Mais surtout, je n'aurais pas été capable d'apporter les changements que je fus capable d'apporter tout au cours de ma carrière.

Antoine Pellerin
Bonjour. Merci de m'avoir invité. Je suis très, très heureux d'être avec vous aujourd'hui. Je tiens à mentionner, d'entrée de jeu, que je ne suis pas un expert en communication. Donc, j'ai cherché à voir comment je pourrais contribuer à cette belle discussion sur la communication dans mon rôle et mon expérience de juriste en droit administratif, de chercheur. Et puis j'ai trouvé une réponse, en fait. Je m'intéresse au droit administratif comme ça a été dit en introduction, donc aux règles qui encadrent le pouvoir exécutif, l'action du gouvernement. Et en ce sens, les enjeux de communication sont au cœur
de mon travail parce que de plus en plus, on s'intéresse à la question de la lisibilité de l'action étatique.

Donc, comment l'État, le gouvernement, peut être compris, comment on peut avoir une emprise comme citoyen sur les décisions publiques. Et évidemment, ça passe beaucoup par la communication, par le dialogue entre l'État et les citoyens. Le droit est un long processus de communication; l'adoption des lois qui sont censées traduire l'intérêt de la population, les commissions parlementaires, puis ensuite l'action du gouvernement, qui est en interaction quotidienne avec les citoyens.

Donc, c'est malgré tout au cœur de mon travail, même si c'est en apparence, ça peut sembler être un peu loin. Et il y a aussi un arrêté, une décision de la Cour suprême très important, l’arrêt Papilov qui a été rendu récemment, dont on parle beaucoup dans notre domaine et dont je ne veux pas parler trop longtemps, mais qui parle beaucoup de l'importance pour les décideurs administratifs – qui ont une incidence dans notre vie quotidienne, à toutes et à tous – de bien justifier leur décision. Et la Cour en appelle à une culture de la justification. Et pour elle, ça, la légitimité des décisions qui sont rendues et même le sentiment de justice auquel elles vont donner lieu ou non passent par une bonne communication, une bonne justification.

Et il n'y a pas beaucoup de détails sur comment ça peut être fait. Donc, je pense que le chantier est ouvert sur cet enjeu dans l’avenir. Ça risque de nous occuper beaucoup comme chercheur. En tout cas, moi, ça m'intéresse énormément.

Sophie
Merci. Est-ce que vous avez observé un changement ou une évolution dans la communication et dans le partage du savoir au sein de notre société, et quelle est, selon vous, l'importance de la communication et du partage du savoir dans une société de plus en plus complexe et parfois, certains diraient de plus en plus polarisée ?

Françoise
Disons que comme j'ai plusieurs années à regarder, oui, moi je vois une énorme différence. Et est-ce que la polarisation est la conséquence ou la cause ?
C'est difficile à dire, mais une chose est certaine : on a parlé beaucoup que maintenant, on est bombardés par une multitude d'informations, qu'il est difficile de choisir, de faire le tri, de trouver les communications dans lesquelles on se retrouve mieux et pour lesquelles on comprend mieux les meilleures sources.

Mais en fait, je trouve qu'on a de moins en moins d'informations comme telles et de plus en plus de communication d'opinions, de commentaires.  

Mais je vais raconter que lorsque j'étais à la tête des Chambres de commerce du Québec, nous avons observé que le gouvernement avait arrêté des projets sur la foi de beaucoup d'opposition. Et il nous a paru intéressant de comprendre cette opposition-là.
D'où venait-elle ? Comment se manifestait-elle ? Comment était-elle financée ?
Un des premiers exercices que nous avons faits, ça a été de regarder dans les médias écrits hebdomadaires et quotidiens, comment ces questions de projets avaient été traitées et de faire une répartition entre ce qui avait été des faits par rapport à des commentaire et des opinions. Et nous avons été très inquiétés du fait que les faits étaient très peu présents; très peu présents de la part des promoteurs du projet et très peu présents de la part des opposants au projet. De telle sorte que ce que nous avions devant nous, c'étaient surtout des arguments.

« Il faut le faire parce qu'économiquement, ça donne du travail ou économiquement, ça va augmenter la richesse. » Les opposants y allaient de : « Ça va venir perturber notre communauté. Ça va créer du bruit ou ça va créer de la pollution. » Mais il n'y avait nulle part une fiche qui aurait pu nous permettre de comprendre avant quoi que ce soit, quel était le projet et qu'est-ce que ça impliquait ?

Et ça pour nous, pour moi, comme individu qui a fait de la sociologie et qui dit que la communication est très importante, moi, je ne vois pas comment on peut arriver à communiquer de façon fructueuse et sereine si on ne commence pas par observer les faits impliqués. Parce que, à ce moment-là, on ne peut pas arriver, disons un à but commun si on n'est pas capable de partir de faits communs. Il me semble que présentement, de plus en plus, si on regarde les journaux particulièrement – peut-être moins bien encore, c'est plus difficile à déceler – mais c'est vrai aussi dans les médias traditionnels, on est dans une culture de commentaires, on est dans une culture de chroniqueurs beaucoup plus que de journalistes qui amènent les faits, qui recherchent les faits.

Il est certain qu'aujourd'hui, tout est plus complexe et qu’il y a de plus en plus d'informations disponibles et de trouver le prix est plus compliqué. Et ce n'est pas le commentaire qui m'aide. Personnellement, je ne crois pas que c'est ça qui aide à faire en sorte qu'on sorte de la polarisation dans laquelle on se trouve actuellement.

Sophie
Merci pour ces observations très pertinentes du point de vue d'une personne qui a tant d'expérience avec la radiodiffusion. Antoine ?

Antoine
Oui, c'est très intéressant comme réponse, puis je suis content aussi qu’une certaine forme de dissidence soit exprimée par rapport à la culture de la justification. Je vais y revenir tout à l'heure, mais je vais d'abord répondre à votre question. Je pense aussi que j'ai moins de recul et d'expérience que Mme Bertrand. Mais je pense aussi que la communication prend de plus en plus d'importance dans les différentes sphères de la société; et l'abondance et la diversité des sources, tout le monde la remarque.
La polarisation du débat, même chose. Je vais peut-être dire quelques mots supplémentaires sur le partage du savoir. Dans ma perspective, ça me semble être une des clés importantes pour assurer la légitimité des pouvoirs publics dans le futur sous l'angle du droit administratif. Auparavant, on supposait que quand l’État agissait, posait des actes, c'était automatiquement légitime parce qu'il était censé incarner l'intérêt général. Maintenant, c'est une bonne chose. On questionne le rôle de l'État, on se demande : « Premièrement, devrait-il intervenir ou non dans son domaine quand il le fait ? Est-ce qu'il le fait bien ? Est-ce qu'il a pris le temps de consulter, de faire participer les parties prenantes ? »

Je pense donc que la réflexion qu'on se pose par rapport à la légitimité de l'État va passer beaucoup par un partage du savoir, notamment un partage de savoir entre les savoirs d'experts qui exercent au sein de l'État et les citoyens, qui ont aussi une expertise en termes d'usage, de répercussion exacte. Donc, je pense qu'il y a beaucoup à faire à ce niveau-là.

Puis quelques mots sur la culture de la justification. En fait, je pense que dans l'émission précédente, vous avez entendu l'ancienne juge en chef de la Cour suprême qui a écrit sur la question et qui aurait sans doute beaucoup plus de choses à dire que moi. Moi, ce que je comprends de la culture de la justification, du souhait formulé par la Cour suprême, c'est que les décisions soient sensibles justement aux faits, mais pas seulement aux faits qui sont objectivement observables, mais aussi à la lecture que les parties impliquées dans la décision ont de ces faits. Il y a des études qui montrent que les justiciables préfèrent bien souvent... Leur objectif, c'est d'être entendus, parfois même davantage que d'avoir gain de cause. Ils ont besoin d'un sentiment d'écoute, qu'on a bien entendu leurs préoccupations. Et parfois, effectivement, ces préoccupations, ça ne repose pas seulement sur les faits, mais sur leur lecture des faits. Donc, je pense que la question de la culture de la justification, ça passe par le souci d'écrire dans une décision : « Voici les faits qui ont été présentés, mis en preuve. Voici les faits qui me semblent être ceux qui sont objectivement observables. Mais je suis sensible à telle et telle préoccupation de chacune des parties. Voici ce que le droit dit par rapport à ces préoccupations par rapport aux faits. » pour qu'on puisse comprendre le raisonnement, la logique de la décision et ça, ça me semble tout à fait salutaire comme objectif.

Sophie
Alors pour la prochaine question, qu'est-ce qu'un Espace de courage pour le dialogue ? Comment le créer selon vous, est-ce important et pourquoi ?

Antoine
En fait, je me suis posé la question et je me pose encore la question sur ce que c'est un espace de courage. Je pense qu'il y a des personnes qui se sont posé la question en étudiant la question beaucoup plus que moi. Moi, je pense qu’un espace de courage, c'est un peu comme on tente de le faire aujourd'hui aussi, en parlant de la culture de justification, c'est à dire d'exprimer certaines dissidences, certaines préoccupations. C'est de trouver une façon de pouvoir en parler, dans le respect des opinions de chacun.

Je pense que ça passe beaucoup, par l'écoute aussi. On doit trouver la façon de cultiver l’art de la dissidence. Je pense que c'est tout à fait approprié, mais il faut trouver une façon de le faire qui respecte les différents points de vue et qui mise sur l'écoute. Mais je pense qu'il y a des gens qui pourraient vous nourrir cette réflexion plus que moi Probablement que Mme Bertrand est une de ces personnes. Donc je vous cède la parole tout de suite.

Françoise
Je n'ai pas étudié, mais j'ai expérimenté. Je me rappelle un moment où je suis entrée dans une salle… À la Fédération encore, on avait pris une position quant aux secteurs manufacturier et qui venait à l'encontre des intérêts des manufacturiers de la Beauce, le président du conseil et moi, à venir rencontrer les gens, les entreprises, pour discuter de notre position.

Alors, je pense que l'espace de courage demande d'abord le courage de tous les intervenants parce que ça demandait un certain courage de la part des manufacturiers –
ils étaient une vingtaine dans la salle – pour dire : « On va lui parler à Mme Bertrand. On va lui dire, on va lui expliquer. » Mais inversement aussi, à mon collègue et moi, de se rendre en Beauce. Quand on a vu dans la salle le nombre, de dire : « Oui, ça vaut la peine qu'on se parle. Peut-être qu'on va arriver au terme et on ne se réconciliera pas du point de vue d'avoir la même idée. Mais on va se réconcilier sur le fait qu'on va mieux comprendre de part et d'autre d’où on partait et pourquoi nous étions là. Une chose est certaine, on va se réunir sur le point de vue qu'on se respecte mieux et que probablement à la prochaine discussion, à la prochaine décision, on sera en meilleur terrain pour pouvoir en parler. »

La même chose quand j'étais présidente du CRTC et que nous avions pris une décision en radio pour plus de concurrence. Et le soir même, nous sommes invités… La décision est sortie la veille, je crois, et le soir même, nous sommes invités à un cocktail de l'Association des radiodiffuseurs. Plusieurs de mes collègues ne voulaient pas aller à la rencontre. J'ai dit : « Non, il faut y aller. Il ne faut pas avoir peur d'exprimer pourquoi nous avons cru que c'était la bonne décision. » On savait lorsqu'on a pris la décision que ce n'était pas unanime, mais qu’il fallait continuer d'en parler. Donc, pour moi, l'espace de courage commence par chacun; d'abord approfondir sa position. D'où vient-elle ? Est-ce que c'est émotif ? (Parce qu'il arrive que ce soit émotif.) Mais d'être capable d'aller chercher le fondement de notre opinion, d'être en mesure de l'exprimer correctement aussi, de savoir à qui on parle pour ajuster notre manière de l'exprimer.

Si je parle à une universitaire ou si je parle à quelqu'un en radiophonie, ce n'est peut-être pas la même chose, mais ajuster pour adapter, pour être bien compris. Et puis ensuite, ouvrir les oreilles, le cœur et la tête. Et peut-être arriverons-nous ainsi à une polarisation moins belliqueuse. C'est bon qu'on s'influence les uns les autres, même si à court terme on ne voit pas qu'on a pu changer les choses, mais j'ai confiance que à travailler à ces espaces de courage et à y participer, c'est la meilleure façon de sortir de la polarisation extrême.

Antoine
J'aimerais peut-être ajouter une petite chose là-dessus. J'ai réfléchi en vous écoutant, Madame Bertrand, sur les espaces de courage. Je pense aussi qu'il y a quelque chose de courageux aussi et d'important à réunir des personnes qui ont des points de vue différents et à donner, dans des espaces, la parole à des personnes qu'on n’entend moins. Parce qu'il n'y a rien de plus facile que d'être réunis entre personnes qui ont la même opinion, qui ont connu les mêmes faits, qui ont le même recul, la même expérience, qui se disent qu'elles sont d'accord et même qui expriment une idée très forte, par exemple qu'on pourrait penser courageuse, mais qu'elles expriment entre elles sans avoir à entendre une parole dissidente, qui est nourrie d'une expérience que les personnes qui affirment une certaine position n'ont pas.

Je pense que dans la configuration des espaces de courage, il devrait y avoir un souci aussi en amont de favoriser une certaine confrontation des points de vue, de trouver des façons que ça puisse se faire aussi correctement, en ce sens où tout le monde se sent respecté là-dedans. Mais je sens que la polarisation, on la sent beaucoup dans des espaces séparés, c'est-à-dire qu’on met rarement en interaction ces points de vue-là.

On le voit dans la gestion de la pandémie actuellement. Les opinions sont tranchées, mais rarement on a un panel ou des points de vue qui s'affrontent, et je crois que ça manque. Pour les citoyens devant prendre des décisions, je pense que ça pourrait être salutaire qu’ils puissent entendre les points de vue qui s'affrontent. Et c'est ce qui nous permet d'exercer notre jugement aussi : identifier les éléments qui sont pertinents. On le fait en droit administratif, en analysant les décisions de la Cour suprême, à partir des instances, des opinions majoritaires, puis on se fait une tête, c’est à partir de ça qu'on travaille. Donc, je referme la parenthèse.

Françoise
Ça demande de la générosité, je pense. Il faut le respect, c'est court un peu. Je pense que ça demande la générosité de penser qu’on n’est les seuls à avoir raison et donc, qu’on veuille enrichir l'autre. Soit par l'accueil d'autres manières de réfléchir et d'autres expériences. Alors pour moi, la diversité, c'est ça que ça veut dire. Pas la diversité juste pour du marketing, c'est la réelle diversité. C'est s'approcher de gens qui ont des chemins différents des nôtres.

Sophie
La table est maintenant bien mise pour la prochaine question. Alors quels sont pour vous les principes clés d'une communication interpersonnelle efficace et les compétences de leadership nécessaires pour créer un espace de courage et pour y participer ?

Françoise
Un gestionnaire n'est pas nécessairement un leader. Et qu'est-ce qui fait cette différence ? C'est pour moi beaucoup, la communication. Je reviens sur ce que je disais. La communication, c'est avoir de l'intérêt pour autrui. Sinon, je garde mes idées pour moi-même. J'écris des beaux livres, tant pis s’ils ne sont pas lus. Si je veux influencer les autres et entrer en relation avec les autres, c'est le canal absolu, la communication. C’est absolument nécessaire. Donc, ça demande de la curiosité. En préparant ma conférence, je lisais quelque chose de 2019, d’il y a trois ans maintenant. Mais en fait avant la pandémie (je pense qu'on va parler comme ça : « avant le choléra, après le choléra »), donc, il y a très peu de temps, on se disait : Est-ce qu'il va y avoir de nouveaux changements ? Selon les gestionnaires, les chefs d'entreprise, il n’y aurait pas vraiment de nouveaux changements sur le plan du personnel. Jamais on n’aurait pu prévoir la pandémie, mais je pense qu'il faut s'armer d'enthousiasme sur le fait que la vie est changement et que le changement réclame qu'on demeure curieux, ouverts et intéressés.

La situation a évolué, alors je pense que c'est d'être sur notre pointe des pieds, puis d'aller vers plus de connaissances, plus de découverte et plus vers les autres parce que ce sont les autres qui nous amènent – pas des réponses parce qu'on n'arrive jamais à une réponse finale – mais où on évolue et on comprend plus de choses. Et on le sait bien : plus on comprend une chose, plus ça nous amène vers d'autres questions et c'est ce qui nous amène à être agile, alerte. Moi, je trouve que c'est ça, la base pour créer des espaces de courage. Pour aller dans un espace de courage, il faut reconnaître qu'on a besoin d'apprendre encore et de grandir.

Antoine
C'est très intéressant. En fait, ça rejoint les éléments que je souhaite mettre de l'avant en lien avec cette question. En fait, je me demande parfois si on ne communique pas trop. Je pense que c'est toujours sain de communiquer, mais dans l'optique d'intervenir trop, par exemple, de trop publier. En fait, je me pose sincèrement la question.
Est-ce qu'on prend le temps de comprendre assez, de lire assez avant de communiquer une théorie qu'on aurait élaborée ou un point de vue ou des résultats de recherche ?
Et je pense qu'on est, qu’on vit dans une période où on nous pousse beaucoup à communiquer et à transmettre des résultats, par exemple de recherche, sans qu'on ait pris le temps d'avoir un panorama complet.

Je pense qu'on doit miser... prendre le temps. Ce n’est pas facile, évidemment. Et miser sur l'écoute dans les communications interpersonnelles. Évidemment, je peux faire le parallèle aussi avec l'action gouvernementale. Je pense que, de plus en plus, l'administration publique est consciente que la qualité de ses décisions dépend du temps et du souci qui ont été investis, pas seulement de la consultation et de la participation des destinataires de leurs décisions. Donc, c'est de miser sur l'écoute.
Je pense que c'est peut-être une des clés pour favoriser une meilleure communication, à la fois interpersonnelle, mais aussi entre l'État et les citoyens. 
Je pense que voilà, c’est une clé. Je ne veux pas trop m'étendre, là-dessus, mais tout ce qui est écrit depuis des années, des décennies, sur l'équité procédurale, sur le droit d'être entendu en droit administratif, sur les droits de participation, qui doivent être offerts aux justiciables en fonction des intérêts qui sont en jeu, ce sont des éléments dont on pourrait s'inspirer aussi dans nos principes de communication contemporains.
Donc, ce n'est pas d'hier qu'on y réfléchit.

Sophie
Merci beaucoup. La question du temps en lien avec les communications est très pertinente et actuelle. Et on le voit avec les médias sociaux qui nous campent, en fait, dans l'instantané, dans l'impératif d'une réaction immédiate. Ce qui m'amène à ma prochaine question. Comment notre environnement ou les médias qu'on utilise facilitent-ils ou complexifient-ils la communication, le partage du savoir ainsi que leurs résultats ?

Françoise
Cette question-là, je trouve qu'elle recoupe pour moi ce dont on parlait tout à l'heure, comment les médias se sont transformés, dans les médias traditionnels, et qu'on va davantage vers les réseaux sociaux. Est-ce que les médias traditionnels essaient d’imiter les réseaux sociaux ? Est-ce qu'il y en a trop ? Mais je reviens toujours à : il y a un diffuseur et il y a un récepteur. Comme récepteur, qu'est-ce que je cherche ? Est-ce que je cherche un peu à l'aveuglette ? Je cherche à me conforter ou je cherche à apprendre, je cherche à savoir sur ce qui m'anime comme individu, et qui va m'amener, qui vers un médium ou l'autre ou un choix de fil ou l'autre.

Et je pense qu'on doit revenir à la base de ça aussi. Mais au-delà de ça, je pense que ça prend absolument un examen. Je nourris la bête d'une certaine façon. Puis la bête, elle me nourrit; je suis là, au rendez-vous, elle va continuer. Alors je pense qu'on n'a pas de pouvoir, mais on a une certaine influence possible à choisir et dans cette multitude, je pense qu'il faut faire l'examen de choisir.

Antoine
Je répondrai à cette question en mettant l’accent sur la question de l'action gouvernementale aussi parce que je pense qu'il y a des choses intéressantes à dire là-dessus. Mais donc, je me suis posé la question sous l'angle de l'environnement.
Comment notre environnement juridique, social et politique complexifie-t-il la communication, le partage de savoirs ainsi que les résultats ? Je sens et je vois qu'il y a des efforts qui sont déployés pour tout ce qui touche aux projets publics, notamment au niveau municipal, au niveau local, pour qu'on passe de la consultation des citoyens à la co-construction. C’est-à-dire qu'on envisage les projets publics en intégrant les parties prenantes dans la décision publique. Je vois sourire Mme Bertrand; ça pourrait faire une belle discussion, ça aussi.

C'est certain que ça a l'avantage, à mon avis, de donner lieu à des projets qui sont plus en phase avec les réalités, les besoins, mais certainement ça fait en sorte que les délais sont plus longs. Il n'y a pas de doute là-dessus. Puis regardez la vision qu'on a aujourd'hui des différentes politiques de participation publique, les critères qui sont annoncés pour favoriser une bonne communication des pouvoirs publics avec les citoyens. Je sens que le défi sera de concrétiser ces objectifs, qui sont parfois intégrés dans des dispositions législatives, parce qu'à l'heure actuelle, des efforts sont déployés, mais je ne sens pas que c'est ce qui se passe véritablement, toujours sur le terrain, l'implication en amont des citoyens et surtout le fait d'aller vers des citoyens qui interviennent moins naturellement dans les décision publiques. Je pense que c'est l’un des défis qui se présentent à nous, ainsi que rendre disponible une information complète et compréhensible.

Mme Bertrand parlait d'entrée de jeu de la question des faits. Je pense que ça, c'est un défi qu'on a. On le voit aussi avec la pandémie. Puis faire la distinction entre ce qui est de l'ordre de la recherche et ce qui est de l'ordre de la science ou du savoir.
Il y a beaucoup d'incertitude dans la recherche. Ce qu'on fait, c’est qu’on creuse des hypothèses, on navigue dans des incertitudes avant qu'on dise : « Voici, on le sait. »
Je pense qu'on va devoir faire un effort aussi dans l'information qu'on transmet pour dire « Voici, ce sont des éléments qui font partie de notre savoir. Voilà des éléments sur lesquels on se questionne. »

Donc l'information complète, compréhensible, accessible à tous. L'accessibilité, ça implique d'aller parfois vers les gens. Donc la co-construction des projets publics, il ne s’agit pas seulement de consulter, de dire : « Êtes-vous d'accord ou non avec tel projet ? » Ce qui risque d'engendrer de la polarisation, puis beaucoup d'insatisfaction. C’est plutôt d'aller vers les gens, de rendre les informations accessibles, les délais évidemment, qui permettent aux citoyens de s'approprier l'information.
C'est certain que ça fait en sorte qu'un projet prend plus de temps avant d'aboutir. Mais je crois qu’ultimement, on risque d'être plus en phase comme je le dis avec les besoins. Il faut aussi mettre en place des procédures qui permettent l'expression de tous les points de vue et qui offrent un espace où on peut exprimer nos doutes, nos préoccupations, nos souhaits. Et justement, c'est là, le défi. Plutôt que de dire : « Voici, on présente un projet qui est envisagé de cette façon par les pouvoirs publics, par les professionnels. » C’est de le faire un peu plus tôt. De permettre aux gens d'exprimer leurs doutes, leurs préoccupations, leurs besoins, pour qu'on puisse tirer profit de ces savoirs citoyens, des savoirs d'usage des gens qui sont les destinataires des projets.
Ça peut paraître utopique. Mais je pense qu'on doit miser là-dessus. Ça implique de prendre notre temps. L'enjeu principal de tout ça, c'est la communication, Puis à la fin de tout ça aussi, rendre des comptes en ce sens où je reviens à la culture de la justification; dire pourquoi on a décidé d'aller vers tel scénario, et les éléments qui nous ont, comme pouvoirs publics, incités à envisager une avenue plutôt qu'une autre.

Et puis je vois Mme Bertrand qui voudrait peut-être réagir et j'aimerais bien l’entendre là-dessus.

Françoise
Il est extrêmement important d'avoir des processus définis au départ parce que le temps dont vous parlez, je suis parfaitement d'accord avec ça. Mais ce n'est pas des chapitres qu'on peut ajouter année après année, parce que dans le fond, on n'est pas prêt à prendre la décision, ou il y a eu de l'opposition, ou il y a des doutes.

Dans ce sens-là, je pense qu'un tribunal quasi-judiciaire comme le CRTC ou beaucoup d'autres que je ne connais pas sont utiles en termes de d'exemples – pas à calquer complètement – mais d’annoncer aux promoteurs et aux citoyens quel va être le processus, comment allons-nous procéder, quelles vont être les étapes, quels sont les critères qu'on va examiner et les faits que le gouvernement peut avoir.
Et on sauverait beaucoup de temps et d'argent et de frustration. Je vais vous surprendre, mais je suis plus pour la co-construction que vous l’imaginez. Ce qui ne veut pas dire qu’on va être capable de réconcilier tout le monde à la décision finale. Mais on aura travaillé ensemble pour construire des idées, un projet législatif, réglementaire ou un projet économique avec plus d’intrants que strictement l'idéateur ou le concepteur du projet.

Sophie
Merci beaucoup. Un bel exemple ici d'espace de courage où on peut effectivement exprimer des désaccords, des points de vue différents, mais toujours dans le respect. Donc, merci pour ces échanges. On doit terminer. Le temps passe rapidement.
Pour conclure, avez-vous un livre, un article, une vidéo, un balado ou un autre média qui a influencé votre point de vue et que vous recommanderiez à nos auditeurs et auditrices ? Sinon un conseil ou une réflexion sur lequel vous voudriez nous laisser ?

Françoise
Je dirais : « Restons curieux, ouverts et enthousiastes. » On va arriver à créer si on ose.
Il faut avoir de l’audace. Que ça s'appelle « espace de courage », que ça s'appelle « Je continue à me développer, à chercher », il faut oser. 

Antoine
J'ai réfléchi à la question. Il y a plusieurs livres, plein de choses qui ont influencé mon point de vue. J'ai envie de vous recommander, de vous parler d'une pièce de théâtre que j'ai vue récemment, Les Hardings d'Alexia Bürger, qui aborde un sujet très délicat, celui de la tragédie ferroviaire survenue au lac Mégantic. J'ai trouvé que cette pièce abordait de façon très habile la question de la responsabilité, à la fois d'un point de vue collectif, social et d'un point de vue individuel. Et puis, pour toute personne qui s'intéresse au droit administratif, il y a un paquet de belles réflexions sur la responsabilité de l'État, sans que ce soit nommé directement. Et sur le degré d'interventionnisme étatique approprié, sur les risques associés à la déréglementation dans des secteurs à haut risque comme celui du transport pétrolier. Vraiment, c'est une pièce qui ne fournit pas de réponses mais qui pose beaucoup de questions. C'est là tout l'intérêt. Et cette pièce, comme bien d'autres, je trouve qu'elle montre que le théâtre est un art qui questionne, qui dénonce les injustices et les incohérences. C'est une façon de communiquer et d'observer la société. J’avais vraiment envie de vous parler de cette pièce, qui est assez récente et qui pose des questions très contemporaines.

Françoise
J'aime le fait que vous ayez pensé à votre association avec le théâtre. Je trouve ça intéressant parce qu’on a toujours l'impression que c'est sur des projets ou des idées politiques, sociales. Mais c'est vrai que les ramifications sont nombreuses. Alors oui, j'aime l'idée.

Sophie
Un grand merci à vous deux. Ça met fin à nos échanges aux fins du balado qui se poursuivra dans le cadre d'un lunch. Cela me fait bien plaisir de voir que le dialogue va se poursuivre autour d'une table. Merci beaucoup.

Antoine
Merci à vous.

Françoise
Merci à vous. Bonne fin de journée.
 

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Épisode #5 - Dialogue avec les autres : développer des outils pour une communication efficace

Sections

 

Animateur : Robert Leckey 

Invitée : Tammara Soma

 

Résumé

Dans cet épisode, Robert Leckey et Tammara Soma, boursière 2014, professeure adjointe à la School of Resource and Environmental Management de l'Université Simon Fraser et cofondatrice du Food Systems Lab, parlent de la création de relations de confiance entre le monde universitaire et les organismes communautaires, de l'obligation de rendre des comptes quant aux résultats de la connaissance elle-même et du pouvoir des images et des récits.

 

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