Affichage des résultats 251 - 260 de 1031
fellow en

La Fondation Pierre Elliott Trudeau accueille 4 fellows dans son programme de leadership 2021

Montreal, June 10th – After a thorough, multi-tiered process, the Pierre Elliott Trudeau Foundation selected 4 remarkable intellectuals based on their record of excellence in research, their leadership as public educators, their strong teaching and academic mentoring skills, and the relevance of their work, knowledge, and experiences to the theme of our 2021-2024 Scientific Cycle, Language, Culture & Identity.

L’accès à la justice en temps de pandémie

Summary
Les effets persistants de la pandémie et le perpétuel questionnement dans la quasi-totalité des États et des régions du monde sur la façon dont cette crise a été gérée signifient que la plupart des institutions – publiques et privées, nationales et mondiales – ont un bilan à dresser. Beverley McLachlin, ancienne juge de la Cour Suprême du Canada et mentore 2020 à la Fondation Pierre Elliott Trudeau, croit que l’appareil judiciaire au sens large doit lui aussi procéder à un réel examen de conscience. 
Sections

 

Avec Bevereley McLcachlin and Vardirt Ravitsky

 

 

TRANSCRIPTION DE L'ÉPISODE

 

Vardit Ravitsky : Les effets persistants de la pandémie et le perpétuel questionnement dans la quasi-totalité des États et des régions du monde sur la façon dont cette crise a été gérée signifient que la plupart des institutions – publiques et privées, nationales et mondiales – ont un bilan à dresser. Beverley McLachlin, ancienne juge de la Cour Suprême du Canada et mentore 2020 à la Fondation Pierre Elliott Trudeau, croit que l’appareil judiciaire au sens large doit lui aussi procéder à un réel examen de conscience. 

 

Beverley McLachlin : J’ai réalisé que notre système judiciaire n’est pas qu’un réseau de tribunaux établis par le gouvernement – et c’est important –, c’est aussi un système englobant société civile, ONG et divers groupes au service de gens ayant besoin de protections légales conformément à la constitution canadienne. Les ONG et les services de justice communautaire ont prouvé leur grande utilité dans la situation actuelle parce qu’ils s’occupent des gens sur le terrain. Les gens qui ne peuvent pas se rendre dans un cabinet d’avocats ou au palais de justice peuvent faire appel à ces organismes et services. Et heureusement, depuis l’avènement du mouvement d’accès à la justice il y a une dizaine ou une quinzaine d’années, nous assistons à une pléthore de petits organismes, souvent partiellement ou entièrement financés par des sources non gouvernementales, qui viennent en aide aux femmes se retrouvant soudainement à la rue, sans domicile, avec trois enfants à leur charge. Ils aident les personnes qui traversent une crise du logement. Et ils peuvent faire une grande part du travail en conseillant ces personnes, en les assistant et en les guidant vers d’autres ressources.

 

Vardit Ravitsky : Vous attendiez-vous à une telle contribution de la part de la société civile?

 

Beverley McLachlin : J’ai travaillé avec beaucoup de ces groupes. Ils m’ont tellement impressionnée, même avant la pandémie. Ils font un travail exceptionnel, mais j’ai l’impression qu’ils ont pris en charge une grande part du travail dont les tribunaux gouvernementaux dits « officiels » n’ont pas pu s’occuper.

 

Vardit Ravitsky : J’aimerais savoir, plus précisément, et surtout selon votre propre point de vue sur la société, qu’avez-vous pensé, comment vous êtes-vous sentie lorsque la Cour a commencé à fermer ses palais de justice à cause de la pandémie? Quelles ont été les répercussions?

 

Beverley McLachlin : Dans l’ensemble, je dirais que je me suis sentie très interpellée parce que j’ai travaillé dans le système judiciaire presque toute ma vie. J’ai vu la vie d’hommes, de femmes et d’enfants être bouleversée par les décisions prises à la Cour.Les conséquences sont énormes, car l’appareil judiciaire est une grosse machine complexe. Les palais de justice sont au cœur de ce système et lorsqu’ils sont fermés, la police ne sait plus où amener ces gens. Comment peut-on demander une libération sous caution, par exemple? Si vous devez régler un différend devant un tribunal, des dossiers seront montés, des documents seront produits. C’est la base. Qu’est-ce qu’on fait lorsque le comptoir de services du palais de justice est fermé et que l’échéance approche?Qu’est-ce qu’on fait lorsque personne ne peut s’adresser à un juge, lorsque personne ne peut consulter les dossiers ? La transmission de documents par voie électronique s’est répandue. Autrement dit, les avocat.e.s et autres organismes désignés peuvent monter un dossier électronique et envoyer leurs documents en ligne. C’est le gros bon sens. C’est ce que nous faisons à la Cour suprême du Canada depuis de nombreuses années. Nous mettons au point un système. C’est long, mettre au point un système. Heureusement, dans certaines régions du pays, nous avons déjà commencé à mettre sur pied des solutions virtuelles pouvant être améliorées et élargies. Beaucoup de ces solutions ont été conclues rapidement. Elles nous ont bien servis et nous ont permis d’éviter un vrai désastre.C’est l’une des choses sur lesquelles nous ne devrions pas revenir. Maintenant que ces solutions sont intégrées aux palais de justice provinciaux et municipaux, allons de l’avant.Je ne dis pas que les salles d’audience doivent rester fermées à tout jamais, je ne plaide pas pour une justice exclusivement virtuelle. Au contraire, je pense que nous avons besoin de salles d’audience ouvertes aux médias et au public, où les jurys peuvent se réunir pour délibérer lorsque les mesures sanitaires le permettront. De salles d’audience où siège un juge. C’est notre rempart pour maintenir le respect de la primauté du droit dans toutes ses ramifications. Rien ne vaut un procès où tout le monde est présent pour débattre au grand jour.Et je pense qu’une personne accusée d’un délit grave ou d’un litige grave a droit à une justice de cette qualité. En cours de route, nous avons découvert que beaucoup de requêtes interlocutoires – concernant les documents, la divulgation, le délai dont vous disposez pour faire ceci et cela, par exemple – peuvent être traitées en ligne.

 

Vardit Ravitsky : Vous venez de nous décrire votre vision idéale du système judiciaire de demain, cette combinaison de présentiel et de virtuel. En ce moment, au Canada, avons-nous l’infrastructure requise pour concrétiser cette vision d’une justice virtuelle? Avons-nous les fonds nécessaires? Y a-t-il une volonté politique de mettre sur pied le nécessaire?

 

Beverley McLachlin : Il y a plusieurs questions ici. Premièrement, non, nous n’avons pas cette infrastructure ni ces fonds. Deuxièmement, il y a une volonté réelle dans certains secteurs. Et troisièmement, nous aurons besoin de fonds. C’est une question de priorité, en fait. Et elle prendra une dimension cruciale après la pandémie. Nous connaissons les importantes mesures à prendre dans les secteurs de la santé et du bien-être, comment nous devrions gérer les prochaines pandémies. Ce n’est pas une critique, mais disons que les gouvernements ont été déstabilisés.Ce fut très difficile d’intervenir comme il se doit dans chaque cas à cause de l’absence de précédents, du fait que nous avons laissé faire les organismes censés être prêts pour ça. Nous avons été complaisants et les avons laissés tomber.Nous devons investir de grandes sommes dansla santé, l’aide sociale et le secteur de la santé publique.Nous le savons. Nous savons qu’il faut s’occuper des soins de longue durée, le secteuroù il y a eu le plus de souffrance et le plus de décès.Les besoins seront nombreux en éducation; nous savons qu’il faudra parfois fermer les écoles. Comment faire alors pour garder nos jeunesen bonne santé physique et mentale, assurer leur socialisation et les instruire?Mais à travers tous ces défis, il faut trouver l’argent pour assurer le bon fonctionnement de l’appareil judiciaire, car notre société est fondée sur l’idée qu’ici, au Canada, tout le monde a le droit d’obtenir justice. Nous savons que les gens ont des différences. Nous savons qu’il nous faut des mécanismes pour traiter ces différences. Et nous savons que le système judiciaire est là pour ça.L’appareil judiciaire doit donc demeurer solide, accessible et adéquat.À quoi sert de s’adresser à un tribunal s’il faut peut-être attendre deux ou trois ans? Ce n’est pas comme ça qu’on obtient une réponse.Il y a donc une grosse réflexion à faire du côté de la justice comme service. Comment peut-on l’améliorer?Le problème, c’est que par le passé, il a été difficile d’obtenir des fonds publics pour réformer l’appareil judiciaire. C’est ce que j’entends tous les jours dans mon travail sur l’accès à la justice, qu’il s’agisse de petits organismes qui organisent des ventes de pâtisseries et des collectes de fonds pour aider les personnes qui ont besoin d’obtenir justice, ou encore de juges en chef qui attendent que le gouvernement leur fournisse les fonds nécessaires pour implanter un nouveau programme informatique qui rendrait leur système de classement plus efficace.C’est difficile pour la classe politique, je crois. Les besoins en santé et en éducation sont trop grands. Alors, on se dit : « On s’occupera des besoins en justice plus tard. » Or, je crois que c’est une terrible erreur, parce que sans un appareil judiciaire en bon état, rien d’autre ne fonctionnera en fin de compte et les gens finiront par manquer de respect à la société, en un sens. Les gens n’auront plus autant confiance en leurs institutions. Lorsque les gens croient qu’ils peuvent aller en cour pour obtenir justice quel que soit le problème dans leur vie, leur santé, leur éducation, ils ont davantage confiance dans le système. Cette confiance est la fondation même de notre système de justice. Nous ne pouvons pas y renoncer.

Vardit Ravitsky : Vous donnez plusieurs exemples intéressants des effets sur les gens lorsque leur accès à la justice est entravé ou ralenti.D’après vous, quelles personnes ont été les plus vulnérables face à ces problèmes d’accès?

 

Beverley McLachlin : Je n’ai pas de chiffres à l’appui, ma réponse est donc plutôt anecdotique, mais d’après ce que j’entends, ce sont les familles et les femmes. On me mentionne parfois descas de violence verbale entre maris et femmes et, dans certains cas, entre parents et enfants. Si on ajoute à cela le stress psychologique lié au fait de ne pas travailler, de peut-être perdre son emploi ou de ne pas pouvoir aller à l’école, les tensions s’accumulent à la maison où tout le monde est confiné. Que peut faire une femme qui craint pour sa vie à cause d’un partenaire qui semble sur le point de perdre la tête? Comment fait-elle en pleine pandémie? Comment peut-elle décrocher le téléphone et dire :« Venez vite! J’ai peur pour ma vie! » lorsque son mari rôde autour d’elle? Que peut-elle dire pendant un appel vidéo avec un.e intervenant.e si elle vit dans un appartement où les murs ont des oreilles? Voilà les témoignages que je reçois des personnes privées d’accès à des services de soutien. J’aimerais souligner un point que j’estime vital.L’un des groupes les plus touchés, je crois, par cette pandémie, sont les collectivités rurales, souvent des communautés autochtones qui, même si elles habitent au Canada, n’ont malheureusement pas toujours accès à des plateformes vidéo ou même à un simple ordinateur. Ces groupes ne peuvent même pas accéder à ces tribunaux et services qui auraient été accessibles autrement.Si le système judiciaire prend un virage technologique, virtuel, ce que je souhaite, il faut améliorer l’infrastructure numérique d’un bout à l’autre du pays.Nous devons nous assurer que tout le monde qui habite dans une région rurale au pays ait un moyen d’accéder à ces services numériques, même si ce n’est pas de son domicile.Je crois également qu’il faut bâtir davantage de centres de soutien judiciaire pour Autochtones pour lesquels il existe déjà de bons modèles. Mais il faut les bâtir dès maintenant, dans le Nord. Ces centres permettraient d’établir le lien manquant, ce qui serait excellent. 

 

Vardit Ravitsky : Récemment, à la Journée internationale des femmes, vous avez publié un merveilleux texte félicitant les femmes pour leur contribution pendant la pandémie, avec une mention spéciale pour les actrices du système judiciaire. Parlez-nous-en un peu.

 

Beverley McLachlin : J’ai parlé de celles qui travaillent dans les organismes qui viennent en aide aux peuples autochtones, aux femmes et à toute autre personne faisant face à la justice. Elles ont travaillé jour et nuit. Elles ont travaillé dans les palais de justice, mais aussi dans les sous-sols d’église.Elles ont été présentes, leurs portes toujours grandes ouvertes, et dans bien des cas, elles ont été une vraie bouée de sauvetage pour le système judiciaire.Les femmes constituent une grande part de l’infrastructure de ce système, depuis le sommet, où beaucoup de juges sont des femmes, mais aussi jusqu’à la base, à la réception et au traitement des documents, par exemple, jusqu’à l’expédition des jugements.Les femmes ont été de grands piliers dans cette lutte pour la préservation, la survie du système pendant la pandémie,malgré les restrictions. Elles font même partie du personnel d’entretien. Elles désinfectent les surfaces et veillent ce que tout soit en ordre. On les voit parmi les bénévoles, et il y en a eu dans tous les secteurs, dont la justice, mais aussi parmi les professionnelles qui ont consacré leur vie à ce type de travail.Alors oui, les femmes ont joué un grand rôle dans cette pandémie. Elles ont donné raison à Mao Zedong qui disait que les femmes supportent la moitié du ciel. Je crois qu’elles ont fait plus que leur part dans cette pandémie, dans tous les secteurs de la société.

 

Vardit Ravitsky : Sur une note plus personnelle, je voulais vous demander ce qui a vous étonnée le plus les premiers mois de la pandémie.

 

Beverley McLachlin : Je crois que c’est l’état de choc et de peur que j’ai senti partout.En période de turbulence soudaine, les gens ne savent pas comment réagir.Mais quand c’est arrivé, au début de la deuxième semaine de mars 2020, les gens ont pris la situation au sérieux. Tout le monde a très rapidement appris à vivre autrement, à se laver sans cesse les mains, à – mieux vaut tard que jamais – porter un masque, à faire preuve de bienveillance face à l’adversité et à faire toutes sortes de sacrifices économiques. Malgré toutes ces personnes qui ont soudainement vu leur paie menacée, suspendue, leur emploi perdu, etc., on pouvait sentir un certain calme, un climat d’entraide.On sentait l’élan de solidarité, on s’entendait sur l’idée que quelque chose de mal était survenu, que quelque chose de bien pouvait arriver et qu’il fallait saisir l’occasion. Il faut accepter la situation, quelle qu’en soit la gravité, puis faire de son mieux en espérant qu’au bout du compte, on parvienne à en tirer quelque chose de bon qui rendra la société meilleure.

 

Vardit Ravitsky : Un an plus tard, sentez-vous toujours le même espoir, le même optimisme? Voyez-vous toujours la société canadienne d’un si bon œil?

 

Beverley McLachlin : Ces dernières semaines, ces derniers mois, j’ai eu le sentiment qu’on allait bien s’en sortir, que la société en sortirait grandie et plus forte. Les défis qui nous attendent sont grands, tout comme ceux qui nous attendaient après la Seconde Guerre mondiale. Mais à bien des égards, de nombreux secteurs comme le marché du travail et l’économie étaient déjà en pleine mutation. La pandémie donnera un nouvel élan à ce vent de changement. Nos anciennes manières de faire les choses, en affaires par exemple, en prendront un coup. Il y aura de nouvelles façons de faire, mais aussi de nouveaux emplois. La même chose est arrivée après la Deuxième Guerre. Les gens disaient que les choses ne reviendraient jamais à la normale. Comment allions-nous nous en remettre? Bien entendu, ce fut une période difficile. Mais on a ensuite assisté à une profonde transformation de notre société qui est passée, en quelque sorte, de l’âge postindustriel vétuste à une nouvelle forme de communication, à la réalisation de formidables projets d’infrastructure dans tout le pays.Il y aura une foule de possibilités pour rebâtir, pour repenser. Il faudra repenser d’abord, par contre, avant de rebâtir, pour ne pas ramener la société là où elle était, mais l’amener dans une ère nouvelle. Quand j’y pense, je suis assez optimiste.Je crois qu’on peut renaître et croître sur tous les plans. En matière de santé et de sécurité également, car les grands changements dans le domaine de l’éducation, maintenant que nous utilisons des plateformes et des écrans, donnent lieu à d’importantes questions à caractère légal. On peut revoir certaines procédures utilisées et tirer des leçons des expériences passées pour mieux rebâtir ensuite.

 

Vardit Ravitsky : Merci d’avoir examiné les choses dans une perspective historique. Vous savez, on a les deux pieds dans le moment présent, on pense une journée à la fois, une semaine à la fois. Ça fait du bien de se rappeler que nous avons déjà survécu à de grandes tragédies.Merci beaucoup.

 

Beverley McLachlin : Merci, Vardit. C’était fort agréable. Au revoir.

Date

La bioéthique pendant la pandémie

Summary
Vardit Ravistky: For the last six months, hundreds of millions of people have lined up for vaccination against COVID-19, an operation accompanied by worries, scares, occasional shortages and a blizzard of scientific studies. For Eric Meslin, President of the Council of Canadian Academies and 2020 Pierre Elliott Trudeau Foundation Mentor, the main issue though is what does the speed of vaccine development and deployment mean for the future of dynamic interplay among scientific, political, and ethical considerations. 
Sections

 

Avec Eric Meslin and Vardit Ravitsky

 

 

TRANSCRIPTION DE L'ÉPISODE

 

Vardit Ravistky : Ces six derniers mois, des centaines de millions de personnes ont fait la file pour recevoir un vaccin contre la COVID-19, une opération marquée par des doutes et des craintes, quelques pénuries et un blizzard d’études scientifiques. Pour Eric Meslin, président du Conseil des académies canadiennes et mentor 2020 à la Fondation Pierre Elliott Trudeau, une grande question se pose : comment la vitesse fulgurante à laquelle le vaccin a été mis au point et distribué changera-t-elle la suite des influences réciproques entre les considérations éthiques, politiques et scientifiques ? 

 

Eric Meslin : Bien honnêtement, je crois que tout le monde a été surpris de la vitesse à laquelle le vaccin a été mis au point, de la vitesse à laquelle il a été examiné par les organismes fédéraux de réglementation, de la vitesse à laquelle il a été fabriqué. C’est sans précédent. J’insiste, vraiment. C’est absolument sans précédent. Même les spécialistes en bioéthique, souvent assez conservateurs, dans leurs mises en garde et analyses rigoureuses pendant la conception et la réalisation de recherches impliquant des sujets humains, même ces spécialistes exprimaient leurs réserves, voire leurs inquiétudes, pour essayer de diminuer les attentes démesurées envers le vaccin.Et pourtant, nous voici, un an plus tard, on ne se demande plus s’il y aura un vaccin un jour. On se demande « parmi les cinq, six ou sept vaccins, lesquels sont les meilleurs? Lesquels sont sûrs, efficaces? » C’est absolument fascinant, presque ahurissant, de tenir un tel discours seulement un an plus tard. Je pense que cette situation a soulevé une série de vieilles questions éthiques sur les problèmes qui se posent lorsqu’on prépare et mène des recherches, sur les vaccins en particulier. N’oublions pas qu’il n’y a toujours pas de vaccin contre le VIH, près de 40 ans après la découverte de cette maladie. Ce qui a fait deux choses, je crois. Premièrement, la situation présente nous amène à revoir notre définition de rapidité en matière d’éthique et de prudence. Deuxièmement, elle a donné lieu à d’intéressantes stratégies auprès du public et de la classe politique. Quel est le rôle de la bioéthique et quelles sont les questions à considérer?

 

Vardit Ravistky : Comment voyez-vous l’interrelation entre la science, la politique ou les politiques ? La science a progressé à une vitesse folle, les politiques ont suivi au même rythme. D’après vous, quel a été l’effet sur le public ?

 

Eric Meslin : Le lapsus freudien que vous avez commis, en disant la politique ou les politiques, n’était pas si freudien, en fait. Vous avez plutôt mis le doigt sur le problème. Je ne veux pas revenir sans cesse sur le fait que la science est géniale, même si je suis évidemment un grand admirateur de la science, mais il est important de se rappeler que si, d’une certaine façon, tout s’est passé très vite d’un point de vue scientifique, le développement du vaccin est le résultat d’un long et laborieux et impressionnant travail de recherche. Des travaux faits en laboratoire, des travaux qui s’échelonnent sur de nombreuses années, d’importantes études scientifiques en génomique, en épidémiologie. Il ne faut pas oublier que cette percée scientifique ultrarapide n’est pas arrivée du jour au lendemain.Il faut savoir comment la science et les politiques fonctionnent. La science ne dicte pas quoi faire. La science donne les faits. Ce sont les responsables politiques qui les interprètent et décident quoi en faire. Ce que je constate et comprends, quoiqu’un peu frustrant, c’est que même la crème de la crème de notre classe politique a du mal à expliquer cette évolution rapide de la science. Nous sommes à un point où le vaccin est considéré comme étant efficace à 70 %, et le reste du message se perd. Efficace en quoi? Pour prévenir les hospitalisations et les décès, ce qui est bien différent de prévenir les infections. Les nuances scientifiques se perdent souvent dans le message des politicien.ne.s, même les plus éloquent.e.s. Pour les autres, c’est pire encore. Il n’y a donc rien de surprenant dans la frustration du public. Ici, en Ontario, nous n’avons pas les mêmes problèmes que l’Alberta, la Saskatchewan ou la Nouvelle-Écosse en ce qui concerne la disponibilité des doses. L’un des problèmes de la triangulation, je crois, c’est que la science fournit des données incomplètes en temps réel, et que ces données changent au fil des semaines, des mois. Ce phénomène déclenche toutes sortes d’interventions politiques ou de recommandations des autorités de santé publique, ce qui déclenche toutes sortes de réactions dans la population. D’où la confusion, la frustration. Je pense que c’est ce qui arrive maintenant, un an après, malgré le caractère phénoménal de la science qui nous a permis d’en arriver là. 

 

Vardit Ravistky : J’aime le fait que vous souligniez que cette science phénoménale que vous et moi admirons n’est pas le fruit de la pandémie, que les vaccins sont plutôt le fruit de nombreuses années de développement. D’un certain sens, la table était déjà mise. Que pensez-vous de notre taux de préparation dans d’autres secteurs ?À votre avis, vous qui participez à ces discussions depuis longtemps, étions-nous préparé.e.s? Aurions-nous pu mieux nous préparer ? 

 

Eric Meslin : Encore une fois, voilà deux bonnes questions. Étions-nous préparé.e.s? Aurions-nous pu mieux nous préparer? La réponse à la dernière question, c’est oui. C’est la réponse facile. On peut toujours s’informer davantage, se préparer davantage. Je n’ai pas d’exemple parfait, car chaque épidémie, chaque éclosion est unique à certains égards.Mais la société était-elle vraiment prête à affronter une telle pandémie, à ce moment-ci de son histoire, à affronter un nouveau coronavirus ? Ce n’est pas notre premier coronavirus. Il y a eu beaucoup d’épidémies causées par un coronavirus. Ce n’est pas un agent biologique inhabituel, mais je crois que la santé publique, notre structure politique et donc la plupart des structures politiques au monde, n’étaient pas toutes aussi prêtes à prendre des décisions difficiles. C’est ce qui est le plus étrange, en fait. Nous pensions que la science aurait la tâche la plus dure, mais finalement, elle avait la plus facile. À preuve, six ou sept vaccins sont déjà prêts. Qu’est-ce qui était le plus difficile? Les décisions entourant la signature de contrats. Quelles étaient ces décisions difficiles? D’abord, comment décider qui recevra les premiers vaccins? Ensuite, comment réagir aux nouvelles données scientifiques? Comment choisir entre différentes options?Oui, je crois que nous étions prêts d’un point de vue scientifique, mais je ne crois pas que nous étions adéquatement préparés à faire face aux évidents problèmes d’éthique liés à la prise de décisions lorsque les données sont incomplètes ou incertaines. C’est la même leçon qui revient sans arrêt depuis des décennies, mais on dirait qu’on ne s’en sert pas. Devrait-il y avoir un comité permanent sur les pandémies au Canada? Devrait-il y avoir un système permanent d’intervention en cas d’urgence au Canada? On pourrait en parler longtemps, mais je suis très inquiet de la façon dont nous allons surmonter la vague actuelle. Idéalement, tout le monde sera vacciné. Avec un peu de chance, dans cinq ou dix ans, à la prochaine pandémie, on se souviendra. On ne se contentera pas d’avoir appris; on se souviendra de ce qui s’est passé. Je ne suis pas sceptique, mais je ne suis pas très confiant non plus. L’histoire montre qu’on a du mal à se souvenir de ce qu’on a appris.

 

Vardit Ravistky : Que peut-on faire ces prochaines années pour ne pas faire comme d’habitude, pour ne pas se dire « on verra en temps et lieu », pour préparer le terrain afin de pouvoir aborder les tensions et les dilemmes éthiques de façon éclairée, nuancée, efficace et rapide, en cas de nouvelle pandémie ?

 

Eric Meslin : Au risque de sembler un peu hérétique ou d’avoir l’air de mordre la main qui me nourrit, je suis de plus en plus convaincu qu’à moins que nous, spécialistes en bioéthique, donnions les moyens aux autres de parler de questions et de problèmes éthiques, nous serons rapidement relégués à un rôle de dernier plan, une simple chaise à la table des discussions. On nous demandera « parlez-nous des problèmes d’éthique ». Quelqu’un lèvera alors sa main pour dire « voici les problèmes d’éthique ». Il faut faire mieux. Comme je disais, il faut donner les moyens aux autres de comprendre ces problèmes, de s’y préparer et de se préparer à y répondre.Tout le monde peut parler de bioéthique, car ces questions déterminent nos choix de valeurs et nos décisions. Ce qui m’inquiète, c’est qu’à force de nous spécialiser comme domaine, nous deviendrons un simple point de repère pour les données, une seule voix dans une mer de voix. Je crois qu’il nous faut apprendre certaines choses. D’abord, il faut former et former la relève pour qu’elle puisse traduire notre mission, nos valeurs, nos soucis et nos problèmes d’éthique en technologies de communication utiles, en stratégies de politiques utiles. Un peu comme Harry Truman l’a déjà dit : « C’est étonnant ce que l’on peut accomplir s’il nous est égal de voir qui s’en verra attribuer le mérite ». L’idée, ce n’est pas que les bioéthicien.ne.s s’attribuent le mérite d’avoir réglé les problèmes éthiques de la lutte contre l’épidémie d’influenza, de COVID-19 ou d’Ebola. La solution doit venir d’une mobilisation d'universitaires réfléchi.e.s et du public en fonction de leurs valeurs. Il faut trouver des moyens de démocratiser notre expertise, de rendre la société capable de reconnaître ces problèmes pour ce qu’ils sont, et ils ne sont pas toujours des dilemmes tragiques. Je pense qu’en tant que spécialistes, on doit se demander comment on peut contribuer au dialogue politique sur de tels sujets, particulièrement les sujets qui touchent tout le monde, surtout les plus vulnérables.La pandémie lève le voile non seulement sur les problèmes de santé publique et de la population, mais aussi sur l’interrelation entre les sujets qui touchent la santé et le bien-être de la planète. J’espère que nous prendrons cette question au sérieux, que la bioéthique de demain ne se contentera pas d’ajouter cette question à sa liste de sujets d’étude, mais qu’elle nous obligera à revoir certaines questions fondamentales que ce domaine a vu naître et à renouveler notre engagement sur ce que signifie, pour un pays ou le monde entier, se soucier de la santé et du bien-être de la planète.

 

Vardit Ravistky : J’aimerais connaître votre avis sur quelque chose. Je viens d’être invitée comme témoin experte en tant qu’éthicienne, une première pour moi, par un gouvernement actuellement poursuivi par un.e citoyen.ne à cause des mesures sanitaires mises en place. Cette personne prétend que ses droits individuels, sa liberté, sont lésés de façon contraire à l’éthique, voire à la constitution. Ce gouvernement répond que c’est ce qu’il faut faire pour protéger le bien-être collectif et promouvoir le bien commun. Évidemment, c’est l’une des grandes tensions éthiques qui caractérisent toute pandémie. Tout le monde voit sa liberté brimée. Tout le monde fait des sacrifices pour protéger les autres. Mais jusqu’où peut-on aller? À quel point peut-on demander aux gens de faire des sacrifices? Tout le monde parle de solidarité et de compassion. Mais certaines personnes n’ont pas envie d’être solidaires; or, on les y oblige. J’aimerais vous entendre là-dessus : comment allons-nous sortir de cette situation, pas seulement en ce qui concerne la vaccination, mais comme peuple, après tant d’années de privation, maintenant que nous voulons retrouver nos droits et libertés? Qu’en pensez-vous?

 

Eric Meslin : J’ai réfléchi à cette question concernant la COVID-19. Elle ne fait peut-être pas la une des journaux, mais on en parle. Que doit faire un pays qui dispose d’un surplus de doses? Doit-il les conserver en cas de besoin ou les donner à un autre pays dans le besoin? Que devrait-on faire? D’une certaine façon, le concept de philanthropie en politique publique est une version de ce à quoi John Rawls, le philosophe, faisait référence lorsqu’il parlait de justice : « [TRADUCTION] On peut juger un juge, un pays ou une société à la façon dont il ou elle traite les plus démunis. » Je pense que le débat est le suivant : la façon dont un pays décide de défendre ses propres citoyen.ne.s et les citoyen.ne.s du reste du monde en dit long sur le pays en question et sur sa population. Bref, j’en viens à la conclusion que, en ce qui a trait au surplus de doses, si j’ose dire, ce n’est pas, – et je n’aime pas cette phrase – ce n’est pas non éthique pour un pays de dire qu’il s’occupera d’abord de la santé des gens de sa nation souveraine et de son État-nation. Je n’utilise pas le mot citoyen.ne, ici. Je dis « les gens de notre pays, les gens qui sont ici, en toute légalité, peut-être même les gens qui n’ont pas de statut juridique ». Bref, s’occuper des gens à l’intérieur de nos frontières d’abord.Ce n’est donc pas inadéquat ou non éthique pour un pays de s’occuper des siens d’abord. On raconte depuis longtemps qu’intuitivement, on a tendance à s’occuper des personnes qu’on connaît bien et auxquelles on tient profondément plutôt que de celles qu’on ne connaît pas. Je tiens davantage à ma famille immédiate, à mon épouse et à mes filles qu’à la personne qui habite à quelques coins de rue de chez moi. Je ne crois pas que cela fait de moi une mauvaise personne. C’est humain, tout simplement. Mais que se passe-t-il après avoir garanti, à vous-même et à votre pays, que tout le monde – et les prochains mots sont très importants – que tout le monde a eu la chance d’être vacciné, a été vacciné s’il le souhaitait? Est-ce à ce moment qu’on se dit qu’on a demandé à tout le monde, que toutes les personnes qui le voulaient se sont manifestées et ont reçu le vaccin? Tout le monde n’est pas vacciné. Nous n’avons pas atteint l’immunité collective. Et maintenant, nous allons offrir nos surplus à d’autres pays? Ce n’est pas évident pour un gouvernement au pouvoir. Personnellement, je crois qu’un pays bien nanti comme le Canada a une obligation morale de ne pas gaspiller le surplus une fois ses besoins primaires comblés.Mais je crois qu’à l’heure actuelle, les pays s’interrogent sur ce que signifie être à la fois un État national souverain – peuplé de personnes à l’intérieur de ses frontières et à qui les élu.e.s du pays ont promis de s’occuper dans le cadre de leur contrat social – et un membre de la grande famille des nations ayant une autre obligation, distincte, mais importante : contribuer au bien-être de la planète. Et je pense que lorsque cette question sera soulevée dans le cadre de votre témoignage d’experte, ou même lorsque chaque personne y réfléchira de son côté, cet exemple nous reviendra en tête. Comment trouver le bon équilibre? Car on ne peut pas se contenter d’agir sans réfléchir. Nous allons donner le surplus de doses! D’accord, c’est un très beau geste. Devrait-on les garder en prévision des mauvais jours? Devrait-on les garder indéfiniment ou les donner? Ce sont des questions profondes qui dépassent la simple question de partager une ressource rare. La question est la suivante : veut-on être ou non un pays qui s’occupe de la population sur son territoire et qui se tourne vers le monde pour aider les pays dans le besoin ?

 

Vardit Ravistky : Merci, Eric. Très bons arguments. Beaucoup de matière à réflexion et d’informations à digérer. Vraiment, merci, Eric. J’ai adoré discuter avec vous. 

 

Eric Meslin : Tout le plaisir est pour moi. Merci beaucoup.

Date

Les droits de la personne en temps de pandémie

Summary
Depuis les débuts de la pandémie, alors qu’on suivait autant que possible les débats et les découvertes médicales et scientifiques, nous avons pris connaissance d’un autre phénomène un peu inattendu pour plusieurs d’entre nous. Il s’agit de l’affrontement qui a eu lieu entre les pouvoirs des gouvernements et les droits individuels, dans le contexte d’une crise de santé publique. Mais très tôt, Bernard Duhaime, professeur de droit international à l’Université du Québec à Montréal, a déduit que ce débat serait des plus pertinents.
Sections

 

Avec Bernard Duhaime et Vardit Ravitsky

 

 

TRANSCRIPTION DE L'ÉPISODE

 

Vardit Ravitsky : Depuis les débuts de la pandémie, alors qu’on suivait autant que possible les débats et les découvertes médicales et scientifiques, nous avons pris connaissance d’un autre phénomène un peu inattendu pour plusieurs d’entre nous. Il s’agit de l’affrontement qui a eu lieu entre les pouvoirs des gouvernements et les droits individuels, dans le contexte d’une crise de santé publique. Mais très tôt, Bernard Duhaime, professeur de droit international à l’Université du Québec à Montréal, a déduit que ce débat serait des plus pertinents 

 

Bernard Duhaime : Pendant la crise, je me suis penché sur les enjeux liés aux droits humains et à la pandémie. J’ai monté une petite équipe de recherche avec des bénévoles et un collègue à l’université. On a produit un rapport de recherche pour une organisation non gouvernementale, dans lequel on a étudié essentiellement les impacts que des mesures d’exception peuvent avoir sur nos droits, y compris celles qui ont lieu dans le cadre d’une pandémie comme celle-ci.Une autre grosse partie du travail que j’ai fait pendant toute cette période de pandémie, c’était à titre de membre du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires avec l’Organisation des Nations Unies, une procédure spéciale du Conseil des droits de l’homme. On s’est penché justement sur l’impact des politiques gouvernementales adoptées dans le contexte de la COVID-19 sur la question des disparitions forcées. On a adopté une série de recommandations très importantes, qui ont été rendues publiques pendant la pandémie. On traite, entre autres, de l’usage de la pandémie par des forces publiques pour, d’une part, justifier les captures par les forces publiques de certaines personnes, et pour ensuite refuser de dévoiler leur localisation. Elles faisaient donc des « disparitions forcées » au sens du droit international. Mais, nous avons aussi abordé l’impact de la pandémie sur le travail des familles et des organisations de défenseur.e.s des droits humains dans leur recherche des personnes disparues, qui sont vraisemblablement détenues par les autorités de façon clandestine.

 

Vardit Ravitsky :Est-ce que tu peux nous donner quelques exemples de droits de la personne qui normalement, en temps non pandémique, sont pris pour acquis par la population et par le public et qui, lors de la mise en œuvre des mesures sanitaires, ont été presque violés ou clairement limités ? Est-ce que tu peux citer quelques exemples concrets ? 

 

Bernard Duhaime :D’une part, il y a évidemment le fait que ce soit une situation exceptionnelle, et les gouvernements adoptent des mesures exceptionnelles qui parfois suspendent ou limitent certaines garanties ou certains droits. Et dans le cas de notre étude, on s’est intéressé surtout aux enjeux liés à la liberté de mouvement, à l’accès à l’information et à la discrimination.On s’est intéressé évidemment aux impacts que la pandémie peut avoir eu sur des groupes plus marginalisés, ou qui sont plus susceptibles de faire l’objet de discrimination. On pense entre autres aux migrants, qui ont eu plus de difficultés aux frontières, dans certains cas des frontières complètement fermées, à des groupes de migrants qui se faisaient interdire l’entrée… C’est toujours des populations qui sont plus à risque. Et pourtant, ce sont des populations qui sont allés au front dans bien des cas, en acceptant des emplois précaires et difficiles qui les exposaient à la pandémie. Sur la question de l’accès à l’information, vous n’êtes pas sans savoir que plusieurs gouvernements ont choisi de censurer la circulation d’information sur le virus lui-même, mais certains ont aussi utilisé le contexte de la pandémie pour limiter, soit directement, en suspendant l’accès à certaines informations publiques, ou bien indirectement, en se servant de la pandémie comme prétexte pour justifier des retards importants dans des demandes d’accès à l’information publique qui, évidemment, peuvent avoir des incidences graves sur les droits de la personne et la démocratie. 

 

Vardit Ravitsky : Je voudrais soulever un enjeu qui est très intéressant pour le public en ce moment. Tu as mentionné le droit de mouvement et on sait qu’on est très limités à ce niveau aujourd’hui. D’après toi, est-ce que le couvre-feu est une vraie violation de notre droit de mouvement ou est-ce qu’il peut être justifié dans les circonstances actuelles ? 

 

Bernard Duhaime : Des mesures de limitation de la liberté de mouvement comme celle-là, ça peut être justifié dans certaines circonstances, mais elles doivent toujours obéir à des critères de nécessité et de proportionnalité, tout en étant raisonnables. Ça doit toujours se faire, évidemment, sans qu’il y ait d’impact discriminatoire. Et puis, on a pu observer que dans le cas de pandémies passées, souvent ce type de mesures étaient adoptées avec certaines perspectives discriminatoires ou elles avaient des effets discriminatoires sur certains groupes, que ce soit sur les personnes perçues comme étant la cause de ces pandémies ou bien sur des populations plus vulnérables, qui ont moins de protection de leurs droits. Pensons entre autres aux migrants, qui font souvent l’objet de répression ou de limitation de leurs droits. Donc, évidemment, c’est toujours une question qui doit être étudiée au cas par cas, selon chaque mesure adoptée. Mais la liberté de mouvement, c’est un droit qui, dans certaines circonstances, peut faire l’objet de limitations.

 

Vardit Ravitsky : On parle de la pandémie comme étant ce grand révélateur, cette lumière qui est jetée sur les injustices, sur la discrimination. Quels effets discriminatoires vois-tu ici au Canada, qui sont particuliers pour les groupes ou pour les populations qui sont vulnérables ou marginalisées chez nous ? 

 

Bernard Duhaime :Notre étude ne portait pas, à strictement parler, sur le Canada. L’objectif, c’est d’avoir un regard un peu plus large, avec des approches un peu comparées, mais c’est sûr qu’il y a eu des impacts sur le droit à l’égalité en matière d’accès à la santé. On se souviendra de l’impact que cela a eu dans les CHSLD pour cette catégorie de personnes plus âgées, qui faisaient l’objet d’une plus grande vulnérabilité sur le plan sanitaire. Il y a aussi eu plusieurs impacts indirects sur le droit à la santé, surtout quand on pense à la suspension de toute une série de traitements qui n’ont pas pu être fournis comme c’était prévu, entre autres dans le cas de maladies assez graves. Donc, il faudra évidemment voir comment les personnes qui n’ont pas pu accéder pleinement à ces prestations en matière de droit à la santé vont pouvoir y avoir accès rapidement, et ainsi limiter les impacts possibles sur leur état de santé. 

 

Vardit Ravitsky : Tout le monde parle maintenant des passeports vaccinals ou des certificats de vaccination, qui seront nécessaires pour voyager à l’international ou même pour avoir accès aux activités sociales et culturelles chez nous. Est-ce que ce type de passeport a des implications importantes pour les droits de la personne ? 

 

Bernard Duhaime : C’est une proposition qui est discutée ici et dans d’autres parties du monde, comme l’Europe. Mais évidemment, ce type d’information ou ce type de document ou de mesure pourrait avoir des impacts sur la vie privée des gens et sur leurs libertés de mouvement. Cette mesure pourrait entraîner des effets discriminatoires et aussi des effets sur des groupes spécifiques de la population. Vous aurez compris que je reviens toujours sur la question des groupes de population exposés à des situations de vulnérabilité. Une des choses qu’on a remarquées dans notre travail aux Nations Unies et dans notre étude pour Amnistie Internationale avec les collègues à l’université, c’est que souvent les mesures comme ça ont des impacts disproportionnés sur des gens issus de milieux socio-économiques plus humbles, des minorités ou encore des personnes qui sont en situation migratoire, des minorités. Donc, il faudra étudier l’objectif qui est poursuivi par un passeport comme celui-là. Est-ce que c’est de permettre des voyages essentiels, strictement essentiels ? Ou bien est-ce que ces mesures seront adoptées dans des circonstances tout autres ? À ce moment-là, en fonction de la nécessité de telles mesures, on ne sera plus à même d’évaluer si les restrictions que ça implique sur les droits de la personne sont proportionnelles à ces objectifs-là. 

 

Vardit Ravitsky : On arrive vers la fin de notre conversation et on a beaucoup discuté des impacts négatifs de ces restrictions sur les droits de la personne. D’après toi, est-ce qu’il y avait, dans ce que tu as vu au cours de l’année passée, des opportunités ou des ouvertures à un changement positif dans notre société. 

 

Bernard Duhaime : C’est une occasion pour nous de faire un peu d’introspection. Quels sont les objectifs de nos sociétés ? Par exemple, au Québec, je pense que ça fait quand même un certain temps qu’il y a une marginalisation des personnes âgées et puis les dangers auxquels ils et elles sont exposé.e.s, ce n’est quand même pas un phénomène qui est nouveau, mais il va apporter des changements radicaux dans les politiques publiques pour des populations comme celle-là. Je pense que ça peut être une bonne chose, donc une introspection assez sévère sur ce qui a fonctionné, ce qui n’a pas bien fonctionné, sur ce qui est en place depuis un certain temps et sur ce qui aurait dû faire l’objet de modifications. Pensons à l’autocritique que le public a dû faire, face à différents préjugés à l’égard de certains groupes, que ce soit avant, pendant et bientôt après la pandémie. Nous nous devons de voir à quel point il y a eu, par exemple, des populations migrantes sans résidence permanente qui se sont présentées au front pour aller travailler dans le domaine de la santé, et ainsi s’exposer à des conditions difficiles. Ça pousse quand même la population à réfléchir sur le traitement que l’on doit réserver à des gens qui sont prêts à risquer leur vie et leur santé pour vivre au sein de nos sociétés. Donc, je pense que tout ça, ce sont des éléments positifs qui nous aideront à faire face à ce qui nous attend. Parce qu’évidemment, une fois que la pandémie sera terminée, notre travail ne sera pas terminé. On va devoir reconstruire. On va devoir rattraper le temps perdu, et ça aussi c’est un enjeu extrêmement important qui nécessitera des réflexions très importantes. Qu’est-ce qu’on va prioriser ? Pourquoi ? Comment va-t-on financer ces programmes ? Etc. Vous savez, il y a plusieurs services publics qui ont fonctionné au ralenti et qui vont devoir reprendre leurs opérations à toute vitesse, à toute allure, et puis ça va avoir aussi des conséquences sur la jouissance de nos droits. 

 

Vardit Ravitsky : Tu sais, dans la déclaration qu’on a écrite en tant que Comité sur les impacts de la COVID-19, on part du fait que tout le monde a hâte de revenir à la vie normale, et nous on dit non, on ne veut pas retourner pas à la normale. Nous irons vers une société qui approche ses problèmes d’une manière beaucoup plus responsable qu’auparavant. Quels éléments de la vie veux-tu voir revenir à la normale ? Et pour quels aspects voudrais-tu voir un changement, que ce soit au niveau social ou au niveau personnel ? 

 

Bernard Duhaime : On a tous et toutes hâte de pouvoir reprendre une vie un peu plus sociale qui se rapproche un peu plus de la normale, de revoir nos familles élargies, nos bons amis, et de pouvoir profiter de différents loisirs collectivement. C’est sûr que c’est quelque chose qui nous fera plaisir. Bien évidemment, il y a des choses qui ne doivent pas revenir à ce qu’on appelait la « normale » avant, comme les politiques qui ont eu des impacts négatifs sur des groupes plus enclins à vivre de la discrimination : les personnes âgées, les personnes migrantes, les peuples autochtones, les femmes, et les jeunes qui, sur le plan de la santé mentale ou de la violence conjugale ou familiale, ont fait l’objet de ratés importants dans la dernière année. Ils et elles ne doivent pas retourner à ce qu’on appelait « la normale » avant. La normale, c’était un peu fermer les yeux d’une façon hypocrite, fermer les yeux sur des injustices au bénéfice de notre petit confort, alors que socialement, on devrait tous et toutes se responsabiliser et tirer des leçons de cette crise !

 

Vardit : Je suis tellement d’accord avec toi. Quelle belle manière de finir dans un esprit positif et d’apprécier ce qu’on a toujours eu avant, et ce qu’on espère avoir de retour bientôt. Merci énormément, Bernard, pour cette conversation tellement passionnante et remplie d’informations. 

 

Bernard Duhaime : Merci à toi, Vardit, et merci pour tout le travail que tu as accompli avec nous pendant ces moments difficiles. À bientôt. 

 

Vardit : À bientôt. C’est ce qui conclut cet épisode du Comité sur les impacts de la COVID-19 de la Fondation Pierre Elliott Trudeau. Nous souhaitons remercier spécialement l’Université McGill et l’Université de Montréal, pour nous avoir permis de tenir cette discussion importante. Suivez la Fondation Pierre Elliott Trudeau sur Facebook, LinkedIn et Twitter pour connaître les nouvelles de notre communauté et, bien sûr, pour vous abonner au balado. À la prochaine ! 

Date
canada day

UN ESPACE DE GUÉRISON, DE RÉFLEXION ET DE RÉCONCILIATION

In July 2021, Senator Patti Laboucane-Benson will host members of the Pierre Elliott Trudeau Foundation for an in-person dialogue on community-led healing initiatives. The event will also include a discussion with Dr. Kisha Supernant, an Associate Professor in the department of Anthropology at the University of Alberta. Recently, Dr. Supernant has used remote sensing technologies to locate and protect unmarked burials at the request of First Nations communities in Alberta and Saskatchewan.

The Pierre Elliott Trudeau Foundation is grateful for the opportunity to hear and acknowledge first-hand the realities facing First Nations, Métis, and Inuit people in and outside of our community. As we renew efforts to build an inclusive and equitable country, we are committed to continuing our work together in a spirit of understanding, compassion, and reconciliation.

Le partage du savoir pour lutter contre la pandémie

Image
Summary
Vardit Ravitsky: Ce n'est pas tout le monde qui a su réagir rapidement au début de la pandémie, mais Pascale Fournier, présidente et chef de la direction de la Fondation Pierre Elliott Trudeau, a vu très tôt le besoin de réfléchir aux impacts de la pandémie et aux possibilités que la pandémie nous offrait.
Sections

 

Avec Pascale Fournier et Vardit Ravitsky

 

 

TRANSCRIPTION DE L'ÉPISODE

 

Vardit Ravitsky : Ce n’est pas tout le monde qui a su réagir rapidement dès le début de la pandémie, mais Pascale Fournier, présidente et cheffe de la direction de la Fondation Pierre Elliott Trudeau, a vu très tôt le besoin de réfléchir aux impacts de la pandémie et aux possibilités que nous offre l’après-pandémie. 

 

Pascale Fournier : Comme toutes les organisations, nous avons été pris de court par cette pandémie. Et dans notre nouveau plan stratégique, la démocratisation du savoir est vraiment au cœur de notre démarche. Donc, comment est-ce que des boursiers et des boursières, parmi les plus brillant.e.s du pays et du monde, peuvent devenir des éducateurs et des éducatrices engagé.e.s, publiques et qui redonnent aux Canadiens et aux Canadiennes ? Très rapidement, nous avons passé en revue à la fois des membres actifs de notre communauté, mais également des anciens et des anciennes, afin de répertorier le genre d’éducateur public dont on a besoin pour nous aider à réfléchir à cette pandémie, à mieux la comprendre - qu’est-ce qu’elle nous permet de voir, qu’est-ce qui était invisible auparavant et qui devient soudainement visible ? - et pour nous accompagner tout au long de cette crise.  

 

Vardit Ravitsky : Moi, je ne suis pas d’origine canadienne. Je suis venue d’ailleurs et je suis très consciente de la façon dont le Canada est vu dans le monde, c’est-à-dire comme une société basée sur la justice, l’équité, le respect des droits de la personne et où la population fait preuve d’une grande solidarité. Et là, quand la pandémie a commencé, je me suis dit bon, ici, chez nous, ça va être mieux qu’ailleurs parce qu’on a déjà comme base ces valeurs de solidarité et d’équité. Et puis, on a vu ce qui est arrivé aux personnes âgées, aux groupes marginalisés. J’étais véritablement surprise et un peu déçue. Je voulais te poser cette question. Est-ce que c’était une surprise pour toi ?  

 

Pascale Fournier : Je parle par déformation professionnelle, puisque j’ai été commissaire de la Commission des droits de la personne pendant trois ans, préalablement au poste que j’occupe en ce moment. Je connais très bien l’état du droit en théorie et je pense que cette pandémie nous a révélé tout ce qu’on ne voit pas en coulisses. Donc, nous avons un système juridique, un système de chartes, que ce soit la Charte québécoise ou la Charte canadienne des droits et libertés, où les droits semblent acquis. Les droits existent. Ce que cette pandémie nous révèle, en fait, c’est que dans la mise en œuvre de ces droits-là, si on pense par exemple aux personnes âgées et à tout le système hospitalier, avons-nous la main d’œuvre nécessaire, qui est bien rémunérée, et suffisamment de personnel ? Est-ce que les conditions d’emploi sont adéquates ? Ça nous révèle en fait toute une tragédie qui existe en coulisses. On peut bien avoir des droits qui existent dans l’abstrait, qui sont énumérés dans une charte. Mais lorsqu’on veut mettre en œuvre ces droits, est-ce que vraiment nous avons les conditions nécessaires ? Cette pandémie nous a révélé une lacune majeure dans notre filet social, dans nos différentes institutions. Donc, je parle beaucoup du milieu hospitalier, mais je parle également du milieu juridique, que je connais bien, et également des couches de la population qui sont déjà marginalisées. C’est-à-dire que pour que ces personnes-là, le droit à l’égalité et le droit de vivre sans discrimination, il existe en théorie,mais on se retrouve dans une situation de pandémie, où la vulnérabilité préalable à la crise est mise en relief. On prend vraiment conscience du décalage énorme entre le droit et le droit en pratique.  

 

Vardit Ravitsky : Plusieurs des enjeux que tu as décrits découlent peut-être du manque d’investissement, ou de priorités qui n’étaient pas bien établies avant la pandémie. Pour bâtir cette société meilleure à laquelle on rêve, comment pouvons-nous définir un ordre de priorité pour l’investissement de nos ressources ? Le besoin de rebâtir et de reconstruire va se faire ressentir partout. Comment est-ce qu’on peut pousser la réflexion quant à la priorisation des investissements énormes qui nous attendent dans les années à venir ?  

 

Pascale Fournier : Je ne pense pas qu’on va pouvoir se sortir de cette crise de pandémie si on ne s’inscrit pas dans un mouvement incontournable et irrévocable de démocratisation du savoir. Je pense qu’il faut mentionner le climat de désinformation dans lequel nous vivons et la méfiance des gens à l’égard de la science et des scientifiques, qui était vraiment très présente avant la pandémie et qui a pris des proportions inquiétantes en 2020, il faut le dire, et tout ça se poursuit. Donc nous le savons, dans le milieu universitaire, on peut facilement être un chercheur reconnu qui publie des articles scientifiques extraordinaires dans son milieu et qui est un peu dans sa bulle… Je crois que le grand défi contemporain, pour les intellectuels, pour les chercheurs, c’est de redonner au public, d’être capable de rendre la science accessible, de la vulgariser de façon suffisamment simple tout en préservant la complexité qui est au cœur du cheminement scientifique. Donc, il est important d’informer le public et d’alimenter ces discussions éclairées autour des grands enjeux sociaux. Alors pour la pandémie, il y a tout un discours purement scientifique sur « Prenez votre vaccin, soyez informé.e.s, lavez vos mains, etc. », mais il y a aussi ce discours sur « Comment visualiser cette inégalité et y pallier ? » Il y a différentes façons d’accompagner cette reconstruction pour qu’elle soit plus inclusive, plus juste, plus équitable, et il va falloir être créatif. Il va falloir être original.e dans notre façon de penser, de proposer des solutions, d’éduquer. Si on pense aux communautés racisées qui sont sceptiques à l’égard, par exemple, d’un système où le profilage racial existe. Comment faire en sorte qu’on crée un climat de confiance si cette marginalisation existe et qu’elle est alimentée également par un climat de méfiance ? Comment mieux reconstruire ? Je pense que la créativité et l’originalité seront nécessaires pour faire les choses autrement, et ensuite pour créer cet espace inclusif et valoriser tous les membres de la société, dans un esprit de collaboration, d’humanisme et de compassion.  

 

Vardit Ravitsky : Tous les enjeux que tu as mentionnés concernant les personnes qui vivent dans des conditions plus étroites, qui ont moins accès aux ressources, qui n’ont peut-être pas accès à l’internet. En ce qui concerne ce que les enfants ont vécu, l’impact de la pandémie sur la productivité des femmes, sur leur capacité à travailler. Ils sont peut-être moins visibles que ceux qui touchent les personnes âgées, mais ces enjeux vont avoir un impact de longue durée sur les enfants, les femmes et les familles.  

 

Pascale Fournier : Je pense qu’il faut le dire, et les statistiques le démontrent également, les femmes portent beaucoup le poids d’être présentes auprès des enfants. Et les recherches universitaires les plus récentes démontrent que la productivité des femmes au niveau de la recherche a été plus affectée que celle des hommes. Cela nous permet également de réfléchir à notre milieu de travail, à la manière dont on a sacralisé le fait de travailler en personne. Je valorise beaucoup le travail en équipe, le fait de se voir, de partager des repas, des idées, etc. Mais toute cette crise nous permet aussi de réaliser qu’on peut construire un milieu de travail plus inclusif. Le télétravail, peut-être pas tous les jours, mais un télétravail plus régulier, c’est peut-être une façon de répondre à des besoins de la part de certaines femmes et de certains hommes. Cela permet une proximité plus grande auprès des enfants. Pouvons-nous imaginer un milieu de travail différent de celui qui existait avant la pandémie ? Pouvons-nous, par exemple, imaginer que des employé.e.s soient la moitié du temps au bureau, l’autre moitié à la maison, et que la communication se fasse virtuellement ? Après plus d’un an, je peux difficilement imaginer que les employé.e.s issu.e.s des différentes organisations vont, du jour au lendemain, retourner au bureau tous les jours. Il va falloir y aller en douceur, avec une certaine progression et par essai et erreur. Donc, ça va changer à jamais, je pense. La santé mentale de tout le monde est quand même affectée. Il faut trouver des façons de pallier ça maintenant, et non lorsqu’il est trop tard et qu’une personne a vraiment atteint un état de crise. Et pour les enfants, c’est important de créer des relations humaines et qu’ils ou elles puissent apprendre par le contact et le partage avec d’autres enfants. Le fait d’avoir été loin pendant une grande période, d’avoir eu à porter des masques en tout temps, même à l’intérieur d’un gym pour l’éducation physique. Et tout ça c’est nécessaire, moi je suis tout à fait en faveur de ces mesures sanitaires, bien sûr, mais ça a quand même un impact, je pense, sur leur santé mentale, sur leur tristesse, sur le fait que c’est long comme crise quand tu es en vie depuis 7 ans et puis ça fait plus qu’un an que tu vies cette crise… C’est quand même très long et il faut être attentif aux besoins des enfants. Ils n’ont pas la même façon que les adultes ont d’exprimer leur besoin, leurs crises et le fait que c’est difficile. Alors il faut être attentif à des symptômes qui seraient moins directs, mais qui sont tout aussi importants. Donc, il faut les accompagner à travers cette épreuve.  

 

Vardit Ravitsky : J’aime beaucoup l’accent que tu mets sur le positif, c’est-à-dire sur ce qu’on a appris à travers la pandémie, que ce soit la possibilité de faire davantage de télétravail, ou encore la résilience pour les enfants.  

 

Pascale Fournier : Moi, j’ai beaucoup d’espoir que par le biais de l’après-pandémie, on va pouvoir construire sur de meilleures bases, des bases plus inclusives et plus justes aussi. Ça nous permet de rêver à une société meilleure et également de pouvoir créer cet esprit de solidarité en vertu duquel les membres de la société pourraient joindre leurs efforts et voir comment nous pourrions améliorer le milieu hospitalier, le système de justice, et également la façon dont l’État intervient dans des situations de violence, par exemple, dans les situations de racisme systémique. Comment pouvons-nous mieux accompagner les populations vulnérables pour faire en sorte que leurs droits et libertés ne soient pas des droits abstraits, mais que dans leur mise en œuvre, ils deviennent accessibles ? Je crois qu’il faut mentionner que nous avons tous et toutes un rôle à jouer. C’est le caractère interdépendant de cette pandémie. Elle nous a permis de réaliser que nous avons tous ce rôle à jouer, cette responsabilité. Donc, permettez-moi de lancer cet appel : comment pouvons-nous construire un monde meilleur ensemble ? J’ai beaucoup d’optimisme par rapport au futur.  

 

Vardit Ravitsky : J’ai hâte d’en arriver à l’après-pandémie pour pouvoir reconstruire une société meilleure inspirée par notre déclaration. Et merci énormément, Pascale, pour cet échange très agréable et très éclairant.  

 

Pascale Fournier : C’est moi qui te remercie, Vardit. Et merci pour ton leadership remarquable, qui a été salué par tous et toutes pendant cette pandémie. Donc, merci de nous avoir fait cadeau de cet accompagnement privilégié, que ce soit au niveau des seize articles d’opinion qui ont été publiés dans le Toronto Star et La Presse, ou encore de notre Déclaration sur les enjeux éthiques de la pandémie.  

 

Vardit Ravitsky : Merci pour cette belle occasion 

Date
fullbright

Devenir un fellow Fulbright Canada | PETF

The Foundation has renewed its programs to put leadership front and centre. The Foundation has always engaged forward-thinking academics as Fellows and Mentors have included many distinguished . Increasingly, Fellows will be both leading academics and teachers who are engaged with their communities, while Mentors will be innovators and changemakers across sectors who will both advise the Foundation’s doctoral scholarship winners and engage them in experiential learning opportunities.
Mot de la prez

Mot de la Présidente

In late spring, as the pandemic subsided and public officials across the country announced plans to roll back or ease public health measures and restrictions, the weeks ahead offered us the possibility of a new beginning, an opportunity to enact positive social change and to build a better future.  
fellow en

Langue, culture et identité : gros plan sur les fellows 2021

In the course of the Foundation’s three-year Scientific Cycle Language, Culture and Identity, 2021 Fellows will contribute their unique experience and outlook to develop a leadership curriculum that fosters conversations and debates on critical issues that face the next generation of Canadian leaders and public intellectuals.