Les enseignements du guardianship entourant la protection de Te Urewera et Te Awa Tupua
Récit d’un stage de recherche en Aotearoa Nouvelle-Zélande
Cet article a été rédigé par Stéphanie Roy, boursière 2017 de la Fondation Pierre Elliott Trudeau.
Grâce à ma bourse doctorale de la Fondation Pierre-Elliott Trudeau, j’ai eu l’occasion, au printemps dernier, de réaliser un stage de recherche de deux mois en tant que chercheure invitée à la Victoria University of Wellington en Aotearoa Nouvelle-Zélande. Il s’agit évidemment d’une opportunité inestimable pour quelqu’un qui, comme moi, s’intéresse aux enjeux environnementaux, ce pays étant doté d’un patrimoine naturel incroyable.
Le but de ce voyage était d’étudier le guardianship – le mécanisme de protection – mis en place pour protéger la forêt Te Urewera et la rivière Whanganui (Te Awa Tupua), deux entités qui se sont vu octroyer la personnalité juridique en 2014 et 2017 respectivement. Ce statut permet de leur reconnaître des droits comme pour une personne physique et, surtout, de reconnaître leur importance particulière pour le peuple maori, qui considère la nature comme un ancêtre envers lequel les humains doivent agir comme gardiens.
Afin de mettre en œuvre cette responsabilité des humains envers la nature, la législation encadrant la protection de Te Urewera et de Te Awa Tupua a nommé des comités de gardiens chargés d’agir en leur nom et d’en assurer la gouvernance. Ce guardianship doit notamment faire en sorte de préserver la relation unique entre les tributs locales et ces entités naturelles, soit la nation Tuhoe dans le cas de Te Urewera et la Whanghanui Iwi dans le cas de Te Awa Tupua. Il doit de plus préserver leur santé et leur bien-être.
Pour assurer que les gardiens remplissent leurs fonctions, la législation leur impose une liste de devoirs fiduciaires allant du devoir d’agir et de parler pour et au nom de Te Urewera et Te Awa Tupua, de promouvoir leur bien-être, de la gestion de leurs terres, à l’administration de leurs fonds. Les gardiens doivent exercer leurs devoirs afin de promouvoir les objets du guardianship mentionnés ci-dessus et dans la loi.
Ce mécanisme de protection a un intérêt tout particulier pour ma recherche, puisque ma thèse s’intéresse à l’imposition de devoirs fiduciaires aux gouvernements pour protéger l’environnement. Le but est d’imposer une liste de devoirs clairs aux gouvernements afin que la protection de l’environnement ne soit plus discrétionnaire et devienne plutôt une obligation qu’ils détiennent envers les citoyens et les générations futures. Un tel État fiduciaire permettrait par surcroît de reconnaître la responsabilité que les humains ont envers la nature de même que leur interdépendance. Ces deux modèles de guardianship constituent donc pour moi des études de cas à plus petite échelle de ce que mes travaux suggèrent d’imposer à grande échelle. J’étais donc très enthousiaste de pouvoir découvrir l’expérience entourant ces guardianship en Nouvelle-Zélande.
Pour ce faire, j’ai eu la chance inouïe de pouvoir travailler avec la professeure Catherine Iorns Magallanes, qui m’a permis de visiter Te Urewera et de rencontrer des membres de la communauté locale par l’entremise de l’avocate Erin Matariki Carr, qui œuvre avec la nation Tuhoe afin de développer et maintenir la relation avec Te Urewera. Ces rencontres m’ont permis de comprendre davantage la relation d’interdépendance que les maoris entretiennent avec la terre et avec la nature en général ainsi que leur façon de vivre avec elle et de profiter de ses fruits tout en prenant soin d’elle. Visiter Te Urewera m’a, de plus, permis de constater de mes yeux toute sa richesse et sa beauté.
D’un point de vue plus juridique, j’ai compris que s’il est important de s’attarder à formuler des devoirs fiduciaires clairs, il est encore plus important de se questionner sur les objectifs que ces devoirs servent à atteindre et de les identifier clairement. Car ce sont ces objectifs qui guident véritablement les fonctions des gardiens.
Au final, Te Urewera et Te Awa Tupua sont peut-être des exemples de droits de la nature, mais ils sont surtout des exemples de responsabilité humaine envers l’environnement. Octroyer des droits à la nature reste théorique si on ne reconnaît pas la responsabilité corrélative des humaines pour les faire protéger et la Nouvelle-Zélande y est parvenue avec ces deux cas. Gageons qu’ils deviendront des guides en la matière dans les années à venir.